Coordination de l’aide : développer un esprit de collaboration pour un bien-être au Sahel
Interview de M. Rasit Pertev, Représentant-Résident de la Banque mondiale au Tchad, Porte-parole de l’Alliance Sahel au Tchad.
Quels sont les défis aujourd’hui au Tchad pour améliorer les conditions de vie des populations et leur trajectoire socio-économique ?
Le Sahel est un territoire sur lequel il y a à la fois un grand défi de développement et un important défi sécuritaire. Ces deux défis ensemble sont parfois lourds à porter.
Le Tchad est un pays très vaste, qui correspond à la surface de la France, de l’Allemagne et de la Pologne réunis. Dans cet espace, les défis sont nombreux : plus de 50% des enfants n’ont pas accès à l’éducation primaire, seulement 10% de la population a accès à l’énergie. Ces chiffres sont parmi les plus bas au Sahel et en Afrique. En tant que Banque Mondiale et avec les partenaires de l’Alliance Sahel, nous essayons de faire face à ces défis, aux côtés du Tchad.
En tant que Représentant de la Banque Mondiale et porte-parole de l’Alliance Sahel, quelles sont vos actions concrètes ?
Avec les membres de l’Alliance Sahel, nous agissons à de nombreux niveaux. Dans le secteur de l’énergie par exemple, la Banque Mondiale a financé près d’un demi-milliard de dollars. J’espère que dans les 5 années à venir, cet argent va permettre de concrétiser des projets pour améliorer l’accès à l’énergie de 10% à plus de 30%. Les membres de l’Alliance investissent au Tchad dans les secteurs prioritaires près de 2,33 milliards de dollars, au service de 146 projets de développement.
Quelle est l’importance d’agir ensemble avec les autres partenaires de l’Alliance Sahel ? Comment coordonnez-vous cette action ?
Dans chaque pays, il y a une plateforme de coordination de l’aide au développement, pas seulement avec les membres de l’Alliance Sahel, mais avec tous les partenaires au développement.
Au sein de l’Alliance Sahel, nous nous alignons sur les mécanismes de coordination de l’aide au développement qui existent dans les pays. Aussi, nous mettons en place l’approche territoriale intégrée, c’est-à-dire qu’en plus de la coordination au niveau national, nous développons la coordination au niveau local afin d’éviter que nos efforts soient éparpillés et sans impacts. On essaye d’avoir des interventions bien ciblées et bien coordonnées au niveau local, avec un impact réel pour la vie des populations. C’est sur cet aspect que l’Alliance Sahel met l’accent et sur lequel nous travaillons ensemble.
Aujourd’hui, qu’est-ce que l’Alliance Sahel apporte de plus que les autres organes de coordination ?
L’Alliance Sahel n’est pas seulement un mécanisme de coordination, c’est aussi un mécanisme de dialogue entre partenaires. Est-ce que nous sommes en train d’agir le mieux possible pour faire face aux défis de la sécurité et du développement dans le contexte du Sahel ? L’Alliance Sahel prend en compte l’ensemble de la géographie du Sahel et son contexte sécuritaire. C’est un espace traditionnellement très bien connecté. Dans cet espace, on essaye d’apporter notre appui au développement pour avoir un impact sur le plan régional sahélien.
Parlons de l’Approche Territoriale Intégrée (ATI), de quoi s’agit-il ?
L’approche territoriale intégrée permet de parler de développement, non seulement au niveau thématique, mais aussi au niveau géographique, en termes de localités spécifiques. Cela permet de voir comment les actions de développement vont réellement impacter les populations sur le terrain.
Sans projet, sans financement, sans initiatives de qualité, l’approche territoriale ne va pas produire de résultats. Quand il y a de bons projets, le financement nécessaire, l’appropriation par les populations, la participation de toutes les parties prenantes, l’approche territoriale orchestre le résultat final pour assurer une « symphonie » de développement.
Aujourd’hui, le Tchad fait face à une crise humanitaire suite à la guerre au Soudan, mais aussi de l’instabilité en Centrafrique. L’urgence est là. Dans ce contexte, en quoi est-ce que l’approche territoriale intégrée peut aider les acteurs de l’Alliance Sahel et les partenaires à mieux agir ?
Par exemple, on a pour le moment plus de 100.000 réfugiés sur le territoire tchadien et 30.000 retournés (Ndlr : l’entretien a été réalisé début juin 2023). Avec l’approche territoriale intégrée, on regarde ce qui se passe sur le terrain afin de voir les résultats possibles des interventions planifiées.
Par exemple, où va-t-on placer des puits ? Où va-t-on installer des écoles ? Où va-t-on apporter de l’aide aux réfugiés ? En regardant sur la carte, avec tous les partenaires, cela permet d’avoir un autre regard et de comprendre plus clairement quel sera l’impact de l’aide selon son positionnement au niveau territorial.
Cette approche intègre les communautés hôtes et la totalité des partenaires au développement, dans tous les domaines (agricole, énergie, etc.). Par exemple, sur un territoire déterminé, on va avoir un projet d’approvisionnement en énergie, un projet agricole, un projet d’appui aux réfugiés, etc. Avec l’approche territoriale intégrée, on voit beaucoup plus clairement comment toutes ces interventions vont être traduites sur le terrain. Cela permet d’avoir un meilleur résultat, avec des interventions beaucoup plus logiques.
Dans les mois à venir, sur quelles priorités devraient se concentrer les membres de l’Alliance Sahel au Tchad ?
Nous allons continuer le dialogue et notre travail ensemble. Nous allons réaliser des visites sur le terrain pour voir comment les projets se concrétisent et voir comment on pourrait améliorer notre approche. Dans les mois à venir, nous allons aussi étudier de quelle manière nous pourrions renforcer notre soutien aux réfugiés.
Pour le moment, il y a une confusion entre les mécanismes de coordination de l’aide au développement qui existent dans les différents pays. L’Alliance Sahel a une plus-value qui pourrait être renforcée dans les mois à venir, en améliorant son mode de fonctionnement. Ce n’est pas seulement un mécanisme de coordination, c’est aussi un esprit de collaboration pour le bien-être du Sahel.
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