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Les membres de l’Alliance Sahel s’engagent plus que jamais à accompagner le Niger pour accélérer l’accès à l’électricité

A l’issue de la table-ronde sur l’accélération de l’accès à l’électricité au Niger, Affouda Léon Biaou, Spécialiste Principal en Energie pour la Banque mondiale et coordinateur du groupe de travail « Energie » pour l’Alliance Sahel au Niger, fait le point sur les engagements des membres de l’Alliance Sahel et revient sur les principaux défis du pays en matière d’accès à l’électricité.

 

Léon Biaou, Banque mondiale

Lors de la table-ronde, les participants ont échangé sur les défis opérationnels du Niger dans la mise en œuvre de sa stratégie nationale pour l’accès à l’électricité. Quels sont les principales difficultés qui ont été relevées ?

Au niveau de l’accès à l’électricité, les besoins d’investissement sont énormes et je ne vois pas d’autres choix que d’investir massivement. Quand vous avez, ces dernières années par exemple, un gain en accès à l’électricité de 1.1 point par an et au même moment un taux de croissance de la population de 3.9%, vous voyez que pour rattraper ce retard, il faut accélérer le rythme d’accès pour surpasser le taux de croissance de la population.

L’autre aspect a trait aux défis opérationnels. Aujourd’hui, beaucoup d’investissements arrivent dans le secteur, mais l’organisation en place pour la mise en œuvre des projets est restée traditionnelle. Pour atteindre l’objectif de la première phase de la stratégie nationale du Niger et doubler l’accès d’ici 2025, il faut électrifier minimum 300 à 400 localités par an et arriver à une vitesse de croisière de 700 localités par an. La machine de mise en œuvre actuelle n’est pas assez adaptée pour cela, par exemple pour trouver des experts en nombre et en qualité qui puissent accélérer la mise en œuvre des projets.

Il y a donc tout un ensemble de choses à régler pour réaliser ce bond qualitatif. Si le gouvernement du Niger décide de mettre en place l’organisation qu’il faut, je pense que ce serait un très bon signal par rapport aux bailleurs qui se sont déjà engagés à accompagner la mise en œuvre de la stratégie. Mais, je ne doute pas de cette volonté du gouvernement.

 

Contrairement à d’autres pays voisins, le Niger a réussi à atteindre l’équilibre financier au niveau du coût de l’électricité. Quelle est la stratégie tarifaire du pays ?

En Afrique de l’Ouest, la majorité des sociétés ont un coût de service qui est plus élevé que le tarif pratiqué. Par conséquent, il y a des subventions, des aides directes ou indirectes des gouvernements, souvent insuffisantes, pour assurer la fourniture des services électriques aux populations, ce qui entraîne des dettes qui s’accumulent et la détérioration de la qualité des services par manque investissements dans les systèmes.

Dans sa révision tarifaire, le Niger a regardé toutes les charges pour voir quel est le niveau de tarif permettant de couvrir les coûts sans subvention de l’Etat. Une tranche sociale a été établie pour ceux qui consomment moins d’électricité. Ceux-là sont donc subventionnés par ceux qui sont dans les tranches supérieures. Et aujourd’hui, c’est un succès parce que cela a facilité l’adoption du tarif au Niger en 2017 quand la structure tarifaire a été conçue. Celle-ci protège donc les plus pauvres et fait payer les plus riches. Mais maintenant, l’insuffisance que l’on remarque, c’est que les plus riches portent vraiment la viabilité financière de la Société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC). Sur la durée, cela peut être difficile à tenir, parce que les marges d’augmentation au niveau des tranches les plus riches sont limitées.

Cela pose aussi la question du financement de l’accès, surtout pour les populations en milieu rural. Sur le plan purement commercial, ce n’est pas rentable pour une compagnie d’électricité de faire de l’électrification rurale à cause du faible pouvoir d’achat et de la faible consommation de ces populations, entre autres. Mais c’est un service nécessaire pour le bien-être des populations et le développement économique. On peut se poser la question de savoir qui, entre l’Etat et la NIGELEC, par exemple, doit porter ce financement-là, alors que l’électricité représente un bien social qui est du ressort du gouvernement. Cette problématique demande un dialogue, une discussion constante avec toutes les parties prenantes pour arriver à un équilibre entre l’accès et le maintien de l’équilibre financier du secteur. L’équilibre financier de la NIGELEC est important pour attirer des investissements privés dans le secteur.

 

Participants de la table-ronde sur l'accélération de l'accès à l'électricité au Niger.
Participants à la table-ronde, Niamey (Niger).

Quel est le montant global auquel se sont engagés les bailleurs présents autour de la table?

Le gouvernement demandait pour la partie « accès » de la première phase de la stratégie, de 2019 à 2025, un budget de 1.1 milliards de dollars. Autour de la table, tous les bailleurs qui se sont exprimés ont montré un fort engagement à accompagner les efforts du gouvernement. Certains ont pu faire des annonces pour un montant total de 640 millions de dollars. Les autres aussi vont s’engager mais étaient dans une phase de programmation, donc il était un peu trop tôt pour eux pour annoncer des chiffres. Mais la certitude est claire: l’accès à l’énergie dans le Sahel est une priorité pour tous, le gouvernement et les partenaires techniques et financiers, pour gérer la question de la fragilité en apportant du développement. Nous sommes assez confiants que tout le montant, voire plus, sera mobilisé pour atteindre le montant demandé par le gouvernement afin de doubler l’accès à l’électricité à l’horizon 2025.

 

Quel bilan tirez-vous de cette première table-ronde sur l’accélération de l’accès à l’électricité au Niger?

La table-ronde a été un succès grâce à l’excellente collaboration que l’ensemble des bailleurs ont avec la partie gouvernementale. C’est très facile quand vous regardez dans la même direction. Les points de discordance étaient peu nombreux. Et il y a un cadre qui est mis en place et une disposition d’esprit au niveau national, pour pouvoir dialoguer et trouver des solutions.

Pour conclure, les bailleurs ont réaffirmé leur engagement à accompagner le Niger sur la question de l’accès à l’électricité, d’une façon jamais vue auparavant. Les inquiétudes des bailleurs sur la capacité de mise en œuvre des ressources mobilisées ont été discutées sans tabou, sans langue de bois. J’ai vraiment aimé cet esprit-là.

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