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L’Education au Sahel: passer de l’intention aux impacts

Le 13 octobre 2022, des représentants des gouvernements des pays du Sahel, des membres de l’Alliance Sahel ainsi que des partenaires clés se sont rencontrés autour du thème de l’éducation au Sahel, dans le cadre des assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale. Cette réunion, organisée sous l’égide de l’Alliance Sahel, avait pour objectif de faire le point sur les progrès accomplis, d’offrir une plateforme aux pays pour partager leurs stratégies et leurs priorités en matière de soutien international pour atteindre leurs objectifs, et obtenir les réactions des agences partenaires sur la base des questions soulignées par les gouvernements des pays du Sahel. 

Au cours des 15 dernières années, l’accès à l’éducation au Sahel a connu des progrès: le nombre d’inscriptions dans l’enseignement primaire a presque doublé, et il a triplé dans l’enseignement secondaire. Néanmoins aujourd’hui les multiples crises auxquels font face les pays du Sahel accentuent les défis et mettent en péril les acquis en termes de scolarisation des enfants et des jeunes, notamment les filles. La rencontre du 13 octobre 2022 s’inscrit à la suite de la signature de la Déclaration de Nouakchott – une déclaration politique des chefs d’État sahéliens approuvée en décembre 2021.

Carmen Magariños Casal, Représentante de la Présidence de l’Assemblée générale de l’Alliance Sahel, a souligné dans son intervention introductive que « dans un contexte de dégradation de la sécurité, nous voulons soutenir le renforcement de la présence de l’Etat, et soutenir la fourniture des services de base, tels que l’éducation, qui est un droit fondamental. Dans un contexte aussi volatile, il ne faut pas oublier les élèves qui ont abandonné l’enseignement et qui ne sont pas retournés à l’école. Il faut promouvoir des programmes de la deuxième chance pour doter ces jeunes des compétences de base en matière d’alphabétisation, nécessaires à l’emploi ».

Mme Magariños Casal a également rappelé que « La déclaration de Nouakchott a démontré un engagement ferme des gouvernements Sahéliens, pour répondre aux défis de l’éducation dans la région. L’Alliance Sahel et ses membres ont voulu accompagner cet engagement lors de la 3ème Assemblée de l’Alliance Sahel à Madrid en avril 2022. Ils ont adopté une déclaration sur l’éducation et la jeunesse pour soutenir les recommandations du Livre blanc sur l’éducation au Sahel et ont lancé un appel fort pour allouer plus de ressources à l’éducation »

En introduction de la rencontre, Ousmane Diagana, Vice-Président pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Banque mondiale et Président du Comité de pilotage opérationnel de l’Alliance Sahel, a rappelé les acquis et l’histoire riche de la région : « Le Sahel est une terre de brassages et de rencontres, un espace ouvert sur le reste du monde. Quand on parle de brassage, on parle nécessairement de communication et qui dit communication parle de littérature et d’écriture. Le Sahel est aussi une terre de commerce, et qui dit commerce, dit calcul. Or les fondamentaux qui font tout système éducatif sont les trois choses suivantes : l’écriture, la lecture et le calcul. Aujourd’hui il y a lieu de s’interroger sur une situation où l’éducation est devenue un sujet de préoccupation. Le contexte a beaucoup évolué et il faudra s’armer de courage et de volonté politique, de partenariat pour que l’on puisse remettre au goût du jour l’importance de l’éducation pour les pays du Sahel. »

Ousmane Diagana a évoqué 3 éléments essentiels :

  • L’approche « tout gouvernement » est indispensable. L’éducation doit être au centre des stratégies de développement. Les ministres de l’éducation ont besoin d’un accompagnement soutenu de la part des autres membres du gouvernement
  • La mobilisation des acteurs du système éducatif, les enseignants, quel que soit le niveau, est cruciale. Une attention particulière doit être accordée à leur formation, à leur motivation en terme monétaire et non monétaire. Une gouvernance absolue est nécessaire pour ce qui procède leur mode de déploiement
  • L’importance du rôle des communautés en faveur de la scolarisation des enfants et des jeunes
Classe de collège à N’Djamena, Tchad (2021)

Mohyedine Ould Sidi-Baba, Directeur et Point Focal de la conférence ministérielle pour le ministère des Affaires économiques et de la Promotion des Secteurs productifs de Mauritanie, a présenté le suivi de la Déclaration de Nouakchott signée par les représentants des gouvernements des pays du Sahel.

Il existe une volonté commune et très claire des 5 pays d’avancer ensemble sur les questions d’éducation. Ces pays ont convenu dans la déclaration de Nouakchott de prioriser leur action commune sur les thématiques les plus urgentes et les plus payantes.

Les leviers suivants ont été ciblés pour provoquer un début de changement positif:

Après la conférence de Nouakchott, le gouvernement Mauritanien a pris l’initiative en août dernier d’inviter les autres pays de la région à une table ronde ministérielle. Les 5 chefs de délégation ont adopté une feuille de route jusque février 2023 et dans laquelle figurent deux opérations importantes:

  • la création de l’Institut de l’Education au Sahel
  • un grand projet régional d’appui au système éducatif au Sahel.

Les progrès seront favorisés par une approche régionale

Dans son intervention, Ousmane Mamoudou Kane, Ministre des Affaires économiques, et de Promotion des Secteurs productifs, a rappelé qu’ « En Mauritanie depuis 3 ans, la part du budget de l’éducation est passée de 13 à 20 %, malgré le contexte difficile. Nous souhaitons en Mauritanie réformer le secteur éducatif. Cette année est particulière car nous avons décidé que l’école républicaine se mettait en place. Nous aurons surtout besoin d’appui technique, de conseils et d’appui financier ensuite. (…) Nos pays réussiront beaucoup mieux si le sujet est abordé de manière régionale. La Mauritanie est disposée à aller beaucoup plus loin avec le Niger, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad afin de travailler ensemble pour une réforme conséquente du système éducatif. Nous souhaitons être accompagnés par les membres de l’Alliance Sahel. »

Le représentant du Tchad a abordé les difficultés vécues par son pays. « Nous faisons face à un faible taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans. L’ampleur de cette situation est en partie imputable à une offre scolaire qui demeure très insuffisante, tout comme les équipements et le matériel. Seuls 4,4% des élèves disposent de leur manuel de lecture, et 3,6 % d’un manuel de mathématiques. Par ailleurs, les statistiques démontrent que 3/4 des élèves sont encadrés par des enseignants dont le niveau ne dépasse pas le diplôme secondaire. La priorité du Tchad est de poursuivre la construction d’une scolarisation primaire et secondaire de qualité en élargissant l’éducation de base au premier cycle du secondaire et en veillant à la réduction des disparités. »

Elèves du primaire dans un village de la région de Tillabéri, Niger (2021)

Le Niger est fortement engagé sur les questions d’éducation. Le pays est passé de 2,5% du PIB consacré à l’éducation à 3,8% en 2020, ce qui est au-delà de la norme minimale des 3% au niveau international. Le représentant du Niger a abordé lors de son intervention les 4 axes urgents pour le pays en matière d’éducation. Il s’agit :

  • Du développement d’infrastructures scolaires adéquates, via notamment le remplacement des classes en paillottes. Il y a 75.000 classes en paillottes au Niger qui sont vulnérables aux intempéries et aux incendies et qui influencent négativement le calendrier scolaire.
  • De l’éducation de la jeune fille pour plus d’équité et d’inclusion. Le président de la République du Niger ayant notamment pour projet la construction de 100 internats pour jeunes filles dans les collèges de proximité.
  • Du développement professionnel des enseignants
  • De l’amélioration de la gouvernance du système éducatif

L’éducation n’est pas une dépense, c’est un investissement

Les partenaires au développement sont également intervenus sur la base des priorités thématiques mises en évidence par les gouvernements du Sahel. Mme Hélène Charton, experte en éducation à la Commission Européenne, a rappelé que « Les enseignants jouent un rôle fondamental. On parle beaucoup de la crise des apprentissages mais cette crise est avant tout une crise de l’enseignement. Des enseignants qualifiés, motivés, bien formés, sont la condition absolument nécessaire à l’amélioration de tous les systèmes éducatifs. »

Centre de Formation aux Métiers, Tera, Niger (2021)

Selon Christian Yoka, Directeur du département Afrique de l’Agence française de Développement (AFD), « L’éducation n’est pas une dépense, c’est un investissement. Une année de scolarité supplémentaire génère 10% de revenus supplémentaires en moyenne. Par ailleurs, l’accès et le maintien à l’école des filles issues de ménages pauvres jusqu’à la fin du collège représente un levier de développement extrêmement puissant en termes d’impact sur la santé maternelle et infantile, d’impact sur la croissance économique, d’impact sur l’autonomisation économique, et donc en matière de stabilité politique. (…) L’accès et le maintien des filles à l’école n’est pas uniquement un sujet de l’offre éducative. Les obstacles sont pluridimensionnels, sécuritaires, économiques, sociaux, de santé, de nutrition. Il est par conséquent indispensable d’adopter des approches multidimensionnelles, multisectorielles et complémentaires. »

Lors de son allocution de clôture, Ousmane Diagana a rappelé les fondamentaux de l’Alliance Sahel. « Nous soutenons les priorités des gouvernements, ce sont les gouvernements qui sont responsables de la délivrance des services éducatifs et qui sont les premiers à mobiliser les ressources financières pour la mise en œuvre de ces priorités éducatives. Ce que nous devons apporter, ce sont des compléments en termes de savoir, de conseils, sur la base de nos analyses et de nos expériences internationales. L’Alliance Sahel est une manifestation de la solidarité que les institutions et les partenaires doivent avoir pour les pays avec lesquels ils sont en partenariat. Cette solidarité doit se manifester par des actions concrètes au-delà des discours. »


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