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Agriculture, élevage, environnement: 3 axes de lutte contre la malnutrition

Selon le Programme Alimentaire Mondial, le Tchad fait face pour la quatrième année consécutive à une insécurité alimentaire et nutritionnelle aiguë. Près de 1,9 million de personnes ont besoin d’une aide alimentaire pendant la période de soudure, de juin à août, lorsque les réserves alimentaires des familles s’amenuisent. Les provinces du Kanem et du Barh el Gazel ne sont pas épargnées. Les autorités locales, les dynamiques citoyennes et les ONG s’organisent pour lutter contre la malnutrition et soutenir l’amélioration de l’agriculture et de l’élevage.

La province du Barh el Gazel compte environ 400.000 habitants nomades ou sédentaires, dont les principales activités sont l’élevage et l’agriculture. Selon Abba Saradingar, secrétaire général de la province, les défis de développement de cette région concernent la pratique de l’agriculture, la préservation de l’environnement et la lutte contre la coupe abusive de bois. « Le développement de l’agriculture va de pair avec le respect de la nature. »

Dans la province du Kanem, la malnutrition est plus importante que dans d’autres provinces. Cette problématique implique une approche multisectorielle. Pour Mai Ali Taher, Délégué en charge de l’Agriculture de la province du Kanem, « il est nécessaire de travailler à la fois sur les questions d’agriculture, d’élevage, d’environnement, pour réussir vraiment à éradiquer la malnutrition. »

Les banques de céréales : une solution concrète souhaitée par la population

Le projet DETEKANEM, mis en œuvre par le consortium d’ONG Aider, Oxfam, Action contre la Faim et financé par la France, intervient dans deux provinces de l’Ouest du Tchad (Kanem et du Barh el Gazel) pour soutenir l’agriculture, l’élevage et lutter contre la malnutrition tout en renforçant la cohésion sociale.

Les activités ont été choisies avec les structures de coordination locales, notamment les Comités Provinciaux d’Action (CPA). Il s’agit de soutenir le maraîchage, l’élevage et l’agriculture, et de mettre en place des dispositifs permettant aux populations de traverser les périodes d’instabilité alimentaire, comme les soudures. La construction et l’organisation de banques de céréales est l’une des actions concrètes mises sur pied pour les communautés les plus vulnérables.

Banque de céréales

Les banques de céréales jouent un rôle très important. Elles desservent les communautés établies 10 à 15 km à la ronde. Les populations peuvent venir se fournir en céréales à prix réduits, ce qui leur permet de s’alimenter avant les nouvelles récoltes. Pour le bétail, les banques de céréales et les banques d’intrants vétérinaires permettent à la communauté, particulièrement aux ménages les plus vulnérables, de faire face aux périodes de pénuries alimentaires. En période de soudure, les pâturages sont épuisés, les animaux n’arrivent plus à prendre du poids. Les banques de céréales aident les animaux à aller vers la saison pluvieuse. »

Mai Ali Taher
Délégué en charge de l’Agriculture de la province du Kanem

Au Barh el Gazel, à deux heures de route de la capitale provinciale Moussoro, le village de Hazam a bénéficié de la construction d’une banque de céréales pour le bétail. Hamid Adoum Mahmoud, gérant de cette Banque, témoigne :

Dans notre zone, pour échapper à la famine, les hommes partent en exode pour travailler et envoyer de l’argent à la famille. Les femmes doivent rester et s’occuper seules des enfants et des animaux. Avec peu de moyens, il leur est difficile de satisfaire aux besoins alimentaires.  Acheter les céréales au niveau de la banque présente plusieurs avantages. Le prix est moins cher que celui des différents marchés. À cela s’ajoute également l’économie des frais liés au transport. Quand les citoyens achètent ici, ils peuvent transporter facilement à dos d’âne ou autre moyen facilement accessible. Nous avons baissé de 10 FCFA le prix de chaque Koro (unité de mesure) par rapport aux marchés environnants. Cette pratique nous permet de vendre nos aliments et de nous réapprovisionner de nouveau. Nous allons procéder à la vente de ces stocks pendant la période de soudure animale avant l’installation de la saison pluvieuse. Les prix seront fixés par le comité tout en tenant compte des prix proposés sur les différents marchés aux alentours. Le réapprovisionnement sera fait après la saison des pluies, au moment où le sac sera moins cher. Les hommes pourraient rester avec leurs familles au village si l’État et le projet accentuaient davantage leurs investissements dans cette activité de banque aliment bétail, car cela diversifie les sources de revenus. » 

Ali Choukou Mahamat Seid, chef de village de Tcholori, au Barh el Gazel, témoigne également :

Dans mon village, nous faisons face à une malnutrition chronique qui touche les enfants et les adultes. Notre village a perdu beaucoup d’animaux en raison du manque de pâturage causé par la rareté des pluies. Actuellement, certains d’entre nous détiennent quelques têtes de bétail, mais leur nourriture pose un sérieux problème. À cela s’ajoute le prix élevé des aliments pour le bétail qui contraint l’éleveur à laisser ses animaux à la merci de la nature. La culture pluviale et l’élevage constituent nos deux sources de revenus pour vivre. Il y a plus d’un an, une mission du projet DETEKANEM avec les autorités est arrivée dans notre village. Nous avons réalisé ensemble une séance de travail au cours de laquelle nos attentes et nos besoins prioritaires par rapport au projet ont été recensés, avant de faire le constat général sur la situation du village. Dieu merci, l’installation de cette banque céréalière nous a redonné l’espoir de mener une vie sur notre territoire ! »

Achta Adoum réside dans le village de Tcholori et a reçu des chèvres via ce projet :

Je cultive le mil pendant la saison pluviale. Je suis veuve et je nourris mes enfants avec le produit de mes récoltes et la charité de mes parents et proches. Avant l’installation de la banque Aliment Bétail dans notre village, je me déplaçais à dos d’âne pour aller chercher des aliments pour mes chèvres aux marchés qui se trouvent loin de chez moi. Actuellement, j’achète quelques aliments pour mes chèvres, selon mes capacités financières, à un coût inférieur à celui du marché. Les repas par jour varient d’une période à une autre. Pendant les moments où la récolte est bonne, je prépare le repas pour le ménage deux fois par jour. Dans les moments difficiles, nous ne mangeons qu’une seule fois, généralement le soir. Les cultures maraichères n’existent pas dans la zone et le champ pluvial reste la principale source de revenu des populations dans notre communauté, ainsi que dans les villages voisins. Les femmes sont très impliquées et jouent un rôle considérable dans la gestion de la banque. La grande majorité des bénéficiaires de cette banque sont des femmes. Nous avons reçu d’autres appuis conséquents de la part du projet. Il s’agit de la dotation en chèvres, d’appui en cash transfert, de la construction de cette banque et de son approvisionnement en céréales. »

Le développement des cultures maraîchères dans les lits de rivières

Au-delà de la création de banques de céréales et du soutien au petit élevage de ruminants, le projet DETEKANEM aide à développer la production maraîchère dans les ouadis (lits des rivières cultivables en saison sèche).

Selon le Délégué en charge de l’Agriculture de la province du Kanem :

Les cultivateurs ont adopté la stratégie de travailler le maraîchage dans les bas-fonds, les ouadis du Kanem. Nous avons constaté une nette amélioration dans le cadre de cultures maraîchères au niveau des ouadis. Les agriculteurs y pratiquent la diversification des cultures. Ils ont choisi des filières qui rapportent pour soutenir l’alimentation des ménages. Toutes les parcelles sont occupées : 99% de ouadis dans la province sont déjà transformés en jardin, ce qui veut dire qu’il y a une forte évolution. Les éleveurs aussi ont changé de mentalité, ils adoptent les élevages intensifs, c’est-à-dire qu’ils ne gardent que les bêtes qu’ils sont capables de prendre en charge. Durant la saison sèche, ils les nourrissent avec des tourteaux et des résidus de récolte. C’est une adaptation au changement climatique. »

Tout ce qui est mis en oeuvre dans le cadre du projet DETEKANEM répond à des besoins manifestés lors des enquêtes sur le terrain. Le représentant de l’ONG AIDER explique :

Depuis 20 ans, la province du Barh el Gazel s’oriente de plus en plus vers la production maraîchère. Pour cela, il faut protéger les moyens de production, comme les ouadis, et protéger les cultures, notamment avec des clôtures pour sécuriser les champs. Mais la conservation des aliments pose problème à certains moments de l’année. À cause de ce défi,les populations ne tirent pas beaucoup de profit de leurs productions : ils vendent à petits prix, car s’ils gardent leurs récoltes, ils risquent de les perdre. Au niveau du bétail, nous achetons les petits ruminants localement. Les bénéficiaires peuvent choisir l’animal qui leur plaît.

Les interventions ont été planifiées avec le comité provincial d’action (CPA), par exemple pour l’identification des sites bénéficiaires. Nous avons tenu en compte du profil et des potentiels de chaque zone. Le CPA a proposé et le consortium d’ONG a suivi les recommandations. »

La sécurité alimentaire : une priorité tchadienne

La sécurité alimentaire est l’une des priorités du Tchad, inscrite parmi les huit orientations de la vision Tchad 2030, dans le Plan national de développement piloté par le Gouvernement.

La sécurité alimentaire, l’agriculture et le développement rural fait partie des 5 secteurs prioritaires des membres de l’Alliance Sahel.


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