Actualités et Presse

Coordonner le travail de développement au bénéfice des populations au Tchad

Les provinces tchadiennes du Kanem et du Barh el Gazel font l’objet d’une attention particulière des membres de l’Alliance Sahel : ils y développent avec les autorités locales l’Approche territoriale Intégrée. Il s’agit de mieux coordonner les acteurs du développement et de répondre de manière plus adéquate aux priorités des communautés locales. Témoignages du terrain.

Abba Saradingar, Secrétaire Général de la province du Barh el Gazel, participe chaque mois aux réunions du comité provincial d’action (CPA), un dispositif clé pour élaborer et mettre en œuvre les priorités locales de développement :

Le comité provincial d’action est un organe mis en place pour le développement qui ne concerne pas seulement les autorités administratives. Le Gouverneur de la province en est le Président. Il est secondé par des responsables en charge du développement, une quinzaine de délégués, ainsi que des membres en charge de la sécurité. Le CPA est également constitué de représentants des autorités traditionnelles, des commerçants, des autorités religieuses, des femmes, des jeunes et des ONG. »

Comité provincial d’action (CPA) du Barh El Gazel

Nous mettons un accent particulier sur la cohabitation pacifique qui est pour nous un point extrêmement important. Les autorités administratives, les responsables en charge de la sécurité, les chefs traditionnels, et la population de manière générale y travaillent et convergent dans la même direction. Nous mettons en pratique les instructions des plus hautes autorités de N’Djaména. »

Adeline Cartier est coordinatrice du projet PAMELOT, notamment mis en œuvre dans les provinces du Kanem et du Barh el Gazel. Ce projet financé par l’Allemagne soutient la mise en œuvre de l’Approche Territoriale Intégrée :

La prise en compte des Plans de Développement Locaux (PDL) aide à une meilleure connaissance du contexte. En principe, les actions qui y figurent, correspondent vraiment aux désidératas de la population. L’Approche territoriale Intégrée permet aux acteurs de s’approprier et d’affiner leurs priorités stratégiques pour mieux les diffuser. Elle permet aussi de davantage structurer la mise en œuvre, de coordonner les acteurs, afin qu’il y ait plus de complémentarité entre les interventions et surtout que l’on fasse un suivi « compilé » de nos activités pour avoir un aperçu global. »

Je remarque que depuis un an et demi, il y a beaucoup plus de collaborations et c’est tangible sur le terrain. On constate un changement d’attitude aussi de la part des autorités. Elles aident beaucoup et sont plus satisfaites des résultats parce que ce qui n’était pas en ligne avec leurs priorités n’est plus « imposé ». Dans les provinces qui ont expérimenté l’approche territoriale intégrée, nous constatons qu’il y a des progrès sur le terrain. Il y a encore énormément de choses à réaliser et c’est important de mesurer au fur et à mesure les progrès réalisés de manière conjointe pour nous encourager à poursuivre dans cette direction. »

Comité provincial d’action (CPA) du Kanem

Nous aidons les communes ou les Comités Provinciaux d’Action à prioriser quelques points cruciaux de leurs plans de développement. Nous les appuyons pour établir un contact avec les bailleurs. C’est peut-être à ce niveau-là que réside la plus grande difficulté. En effet, d’un côté, il y a des bailleurs ou des ONG qui ont leur propre perception, leurs centres d’intérêt et d’un autre côté, il y a les populations qui ont exprimé des besoins à travers leur commune. La rencontre entre les diverses priorités est parfois difficile à faire. »

Prise en compte cruciale de l’avis des femmes

Fatime Mahamat Nour est Présidente de la plateforme des femmes du Barh el Gazel. Elle s’implique dans le comité provincial d’action et y représente la voix des organisations féminines : 

La coordination entre les ONG, l’État et la plateforme des femmes, permet de mieux orienter les actions à l’endroit des femmes. Ces femmes sont pour la plupart veuves ou seules. Les maris ont quitté le foyer pour aller travailler dans des zones risquées, par exemple sur les sites d’orpaillage en Libye. »

Ces femmes n’ont pas de moyens et sont obligées de composer avec les ONG et l’État pour demander des financements. Ceux-ci ne couvrent pas tous les besoins, car ils sont grands. Avec l’Approche territoriale Intégrée (ATI), il y a une coordination des actions au départ. Nos actions sont menées de manière beaucoup plus ordonnée. Quand nous nous rencontrons à la plateforme ou bien avec le CPA nous partageons les informations, les idées pour le développement, donc le vivre ensemble et la cohabitation pacifique. »

Paul Marie Kere coordonne pour l’ONG Action contre la faim le projet DETEKANEM, financé par la France. Ce projet, impliqué dans la dynamique de l’Approche territoriale Intégrée, a une composante importante dédiée aux problématiques de sécurité alimentaire :

Les productions agricoles sont très faibles dans la région du fait des facteurs environnementaux, mais aussi des productions qui manquent. Beaucoup de ménages sont vulnérables, ils n’ont pas accès à la terre. Les zones du Sahel sont défavorisées en termes de pluviométrie et la production n’est pas grande. Ces facteurs cumulés rendent compliqué pour les ménages d’assurer la sécurité alimentaire dans l’ensemble. »

Nous accompagnons les communautés dans des projets d’agriculture, d’élevage et dans les activités génératrices de revenu. La philosophie du projet, c’est de travailler à ce que les ménages eux-mêmes soient les moteurs de leur propre développement. Pour y arriver, il faut d’abord asseoir une bonne gouvernance avec des actions de sensibilisation, d’animation sur la cohésion sociale, le vivre ensemble et le genre. Une fois que la gouvernance est bien établie, nous pouvons nous lancer dans les projets de développement. Nous le faisons selon le schéma directeur local qui est la boussole pour pouvoir impulser l’économie locale. Nous le réalisons en accompagnant d’abord les provinces, les communes, les sous-préfectures, avec des plans locaux de développement. Une fois ces plans finalisés, le projet permet aux communautés de demander des subventions pour réaliser elles-mêmes ces plans de développement. »

Le rôle central des autorités locales

Les autorités communales occupent une place cruciale dans la coordination des priorités de développement décentralisées. Les élus locaux sont au plus proche des problématiques des citoyens, comme l’illustre le témoignage du maire de Moussoro :

Le projet de développement est conçu au niveau local d’abord, et les partenaires nous consultent pour contribuer au projet et le soutenir dans sa mise en œuvre selon leur spécificité. Nous veillons à orienter les bailleurs dans le cadre du CPA pour qu’il n’y ait pas de chevauchements des aides sur le terrain. Les autorités locales jouent un rôle à plusieurs niveaux. Tout d’abord, au niveau local : les élus sont redevables-à-vis des populations qui les ont élus. C’est un engagement, une dette à laquelle nous devons répondre. Si je ne réalise pas mes engagements, à la fin de l’année, j’aurai la tête basse et c’est la raison pour laquelle je suis obligé de les réaliser. Là où j’ai des difficultés, je dois rassembler la population pour leur expliquer. »


Aller plus loin

Partager :