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Jeunesse tchadienne : la force d’apprendre, le courage d’entreprendre

Au Tchad, de nombreux jeunes créent des opportunités économiques en développant leur propre entreprise, avec l’appui des autorités locales et des partenaires au développement. Pour accroître l’impact de leur activité, certains se forment aux outils numériques. Avec passion et créativité, ils partagent leur parcours et leurs rêves.

Il est 6 heures du matin. La silhouette fine d’Aboubacar, du haut de son mètre 80, zigzague habilement, tuyau d’arrosage à la main, entre les plants de courges de sa petite ferme maraîchère.

Le jeune agriculteur a décidé de construire sa vie sur ce terrain vaste et aride, situés à quelques kilomètres de la ville de Moussoro, chef-lieu de la province du Bahr El Gazel. Aboubakar n’a que 25 ans, mais il a déjà tout vécu, ou presque. Arrêter l’école à 15 ans, faute de moyens, oser divers commerces de fortune, partir sur les routes du désert comme manœuvre sur les camions de marchandise, chercheur d’or, tenancier de cabine wifi dans les zones aurifères, l’exil en Lybie et en Centrafrique…

Il y a deux ans, le jeune homme est revenu pour s’établir avec ses économies sur sa terre natale. Se lancer seul dans l’agriculture ne fut pas simple. Il a pu compter sur le soutien de son entourage, de la commune et du projet PAMELOT de la GIZ pour développer son initiative et en faire son gagne-pain.

Aperçu de Moussoro

Les provinces du Barh el Gazel et du Kanem sont affectés par une insécurité alimentaire et nutritionnelle chronique, aggravée par les effets du changement climatique. Pourtant, les deux provinces possèdent des potentiels utiles au développement économique :

Malgré ces atouts, beaucoup de choses restent à faire : les activités économiques de la région sont actuellement limitées et les populations ont peu d’opportunités de diversification de leurs activités. L’absence de filets sociaux les rend vulnérables à la décapitalisation forcée du bétail ou à l’endettement.

Dans ce contexte, les jeunes sont parmi les premiers à souffrir de manque d’opportunités et d’un avenir incertain.

Selon le maire de Moussoro :

De nombreux jeunes n’ont pas d’emploi. Ils peuvent être rejetés par la famille, car considérés comme oisifs. Sans aucune activité, ils ne rapportent rien… Cela amène ces jeunes-là à quitter leur communauté, avec tous les dangers de l’exil. Ils prennent le risque de se rendre en Europe ou en Libye, d’autres partent dans les zones d’orpaillage au Tchad. C’est dangereux, certains ne reviennent jamais… S’ils restent ici, ils sont désœuvrés, ils n’arrivent pas à développer une activité, et ils peuvent tomber dans la délinquance. »

Les acteurs locaux, notamment à travers les Comités Provinciaux d’Action, mettent en place avec l’aide de leurs partenaires des initiatives pour soutenir l’employabilité des jeunes. Le Maire de Moussoro évoque notamment la création d’un centre de formation.

Autour d’une synergie multipartenaires, nous avons initié le Centre de Formation Technique et Professionnelle (CFTP). Le projet PAMELOT financé par l’Allemagne a réalisé les constructions en nous impliquant dès la conception. Pour faire fonctionner le centre, la commune est intervenue pour fournir le mobilier, mettre à disposition un gardien et boiser les terrains. D’autres partenaires comme le consortium OIM-PAM ont fourni des équipements techniques. L’État a contribué avec l’affectation du personnel enseignant. C’est une synergie qui permet aujourd’hui de faire fonctionner ce centre et de pérenniser les acquis. »

CFTP de Moussoro

Sanigue Koukta est Directeur du centre de formation et professeur d’électricité. Il a géré la formation jusqu’à présent de près de 250 apprenants.

Le centre de formation technique professionnel forme actuellement 63 apprenants pour une durée de deux ans dans trois filières différentes : la couture, la mécanique automobile et l’électricité bâtiment. Bien avant cela, la GIZ a soutenu la formation de 92 jeunes en énergie solaire, mécanique et dans le domaine du maraîchage. D’autres programmes comme le PAM et l’OIM ont formé 75 apprenants également en couture et mécanique. »

Aboubakar, pour développer son projet de maraîchage, a pu bénéficier d’une formation technique dans ce centre. Ces acquis lui ont permis d’améliorer son projet et de contribuer à ce qu’il devienne un exemple dans sa communauté.

Après ma formation, j’ai commencé les cultures sur ma parcelle. Je travaillais en comptant sur la pluie et sur un puits traditionnel où je puisais de l’eau avec un seau. L’arrosage étant très pénible, mon grand frère et un voisin m’ont aidé en me prêtant de l’argent pour creuser un forage équipé de panneaux solaires. Aujourd’hui, je vends mes productions au marché, et je réinvestis mes bénéfices dans mon exploitation. (…) Je suis une sorte de modèle aujourd’hui pour mes amis. Les jeunes veulent être comme moi, mais ce n’est pas facile. Mes amis aimeraient se lancer dans ce type de projet, mais ils n’ont pas les moyens ni les ressources pour le faire… »

Les outils informatiques en appui à l’entrepreneuriat des jeunes

Dans la ville de Mao, province du Kanem, le nouveau Centre de ressources numériques (CRN) est un sérieux atout pour la jeunesse, qui bénéficie de formation à moindre coût.

Le deuxième adjoint au maire suit de près le travail du CRN et du futur incubateur d’entreprises qui y sera associé.

L’informatique est très importante pour nos jeunes. Les cadres des entreprises et des administrations ont aussi besoin de formation en informatique. Après avoir réussi la formation, les jeunes pourront plus facilement trouver du travail avec leur attestation. Ils créent aussi leurs propres emplois. »

Le centre de ressources numériques est accessible aux associations des jeunes, aux plateformes, aux jeunes en général. Les radios communautaires informent et sensibilisent la population sur les activités du centre de ressources numérique. L’accès aux formations coûte 20.000 francs XAF (30 euros) par mois. Les personnes qui n’ont pas les moyens ont un accès facilité.

Moustapha est animateur dans ce centre hébergé dans un bâtiment de la Mairie :

La demande d’apprentissage informatique est très forte à Mao, le centre est ouvert à tout le monde. Depuis la création du centre, nous avons formé 159 participants, dont 33 femmes. Les activités qui se déroulent ici sont la formation en informatique et bureautique. Nous avons aussi des services tels que la photocopie, la saisie, le scannage, la plastification et la reliure des documents. Les principales formations en informatique abordent Word, Excel, PowerPoint et la découverte de l’internet. Nous avons également 20 porteurs de projets économiques formés et que nous sommes en train de suivre. »

Trois autres centres de Ressources numériques ont également vu le jour à Moussoro, Massaguet et Massakory, avec le soutien du projet PAMELOT mis en œuvre par la GIZ.

Suivre sa passion

Dans les provinces du Kanem et Barh El Gazel, le chemin vers l’emploi et l’autonomisation des femmes est aussi semé d’embûches. Prisca, jeune mère, a entrepris un véritable parcours du combattant pour embrasser une carrière qui la passionne : celle d’électricienne.

J’ai eu envie de devenir électricienne quand j’étais encore enfant : à l’école, j’ai lu un livre avec une illustration de femme électricienne, cela m’a tout de suite donné envie d’en faire mon métier ! Avant de me former à l’électricité, je faisais un peu de commerce pour joindre les deux bouts. C’était difficile. Le regard des autres sur le métier que j’exerce en tant que femme est très difficile. Comme je porte une salopette pour travailler sur mes chantiers, les gens rient de moi. Pourtant, ce n’est pas un travail uniquement pour les hommes ! (…) J’ai appris mon métier au centre de formation et j’ai suivi un apprentissage de 45 jours avec le soutien de la GIZ. J’ai une fille et cela m’a permis de trouver du travail. Je trouve des chantiers et je gagne de l’argent, ce qui me permet de payer mon loyer, l’école et la nourriture pour ma fille. »

Moustapha est un jeune entrepreneur, il élève des poulets à Mao. Il se forme au CRN en compléments de son apprentissage technique.

Je poursuis ma formation avec les cours en ligne du Centre de ressources digitales de Mao. Cela nous permet d’avoir beaucoup d’opportunités. Ce qui me motive, c’est de pouvoir poursuivre les activités d’apprentissage, si je peux aller tous les jours au centre de ressources numériques, j’y vais et je me connecte à la plateforme d’apprentissage. Avec ces cours, j’étudie les soins des poulets de chair et sur leur élevage. Avec les formations j’ai compris que l’élevage de poulets est une bonne activité et je me suis organisé pour mieux les entretenir. »

Des leviers d’émancipation pour concrétiser les rêves des jeunes

Les initiatives de soutien à la formation et à l’entrepreneuriat des jeunes ne sont pas une solution miracle aux défis qui s’imposent à la jeunesse de l’Ouest du Tchad. Mais ces apports constituent des leviers d’émancipation importants et un tremplin pour le rêve d’un avenir meilleur.

Plein d’espoir, Aboubakar confie: « Mon rêve est d’être autonome et de pouvoir aider ma famille et la région. Moi, j’ai tout vécu, j’ai tout vu, que cela soit la souffrance ici ou dans les pays voisins. Mais je préfère souffrir chez moi que de souffrir à l’étranger, donc je me prête à Dieu et j’espère qu’il va m’aider pour arriver à mes fins ! »

Prisca, en regardant sa fille s’éloigner sur le chemin de l’école, partage : « Mon rêve est de former d’autres femmes au métier d’électricien et de créer une entreprise avec elles, une entreprise de femmes électriciennes. Je voudrais leur apprendre la beauté et la valeur de ce métier. »

Souhaitons longue route aux rêves de ces jeunes entrepreneurs tchadiens, porteurs d’espoir pour leur pays !


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