Le programme de développement d’urgence (PDU) du G5 Sahel
En 2018, en vue de stabiliser les zones confrontées à des enjeux sécuritaires complexes et à de fortes vulnérabilités économiques, sociales et climatiques, les pays membres du G5 Sahel ont demandé au Secrétariat exécutif du G5 Sahel (SEG5) de concevoir un Programme de Développement d’Urgence (PDU). Les membres de l’Alliance Sahel se sont mobilisés dès décembre 2018 pour mettre en œuvre ce programme : ils ont financé, à hauteur de 266 millions d’euros, 22 projets dits “à impacts rapides” visant à améliorer les conditions de vie des populations dans les régions fragiles frontalières des 3 fuseaux d’intervention de la Force Conjointe, épicentre de la crise sahélienne selon 3 piliers d’intervention :
- Contribuer à améliorer les conditions de vie des populations, à travers un meilleur accès à l’eau et à l’assainissement.
- Accroître les moyens d’existence des populations agricoles et pastorales en renforçant de manière durable et structurelle la résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
- Appuyer les communautés et institutions locales dans la prévention des conflits et le renforcement de la cohésion sociale, en renforçant le tissu socio-économique local.

Reconnaissant la pertinence de ce programme et constatant les résultats atteints, les membres de l’Alliance ont augmenté leurs engagements financiers initiaux. Les montants mobilisés s’élèvent désormais à près de 514 millions d’euros, soit une augmentation de 93% par rapport à l’enveloppe initiale.
Après trois années de mise en œuvre, les membres de l’Alliance Sahel constatent que le PDU constitue un outil adapté et performant pour contribuer à répondre aux besoins essentiels des populations en situation de crise et renforcer la cohésion sociale des communautés. Aujourd’hui 22 projets nationaux et 9 projets-multi pays sont en cours de mise en œuvre. 5 projets sont d’ores et déjà achevés. 207 millions d’euros ont été décaissés, démontrant une capacité d’exécution supérieure (40%) à celle généralement constatée sur les projets financés dans les pays du G5 Sahel.
Ces projets contribuent significativement aux objectifs du « sursaut civil » : délivrance des services essentiels, renforcement de la résilience des populations vulnérables, restauration ou consolidation de la cohésion sociale. Visant des résultats à impacts rapides et tangibles, ils concentrent leurs appuis sur les services de base, pour aider les bénéficiaires à rester sur leurs territoires en répondant à leurs besoins essentiels.
Pilier I : Accès à l’eau et l’assainissement
Les projets relevant du pilier 1 ciblent l’objectif primordial de développement de l’accès à l’eau et à l’assainissement. Ils ont d’ores et déjà permis à 1 080 302 personnes d’avoir un accès amélioré à l’eau potable et à 400 000 bénéficiaires d’utiliser de meilleurs services d’assainissement.
En Mauritanie, le projet « G5-2 Hodh » (12 millions d’Euros, financement français/AFD) finance des travaux de réhabilitation d’urgence des infrastructures d’accès à l’eau potable dans les régions du Hodh Ech Chargui et du Hodh El Gharbi. Entre juin 2020 et mars 2022, grâce à la composante d’urgence du projet mise en œuvre par le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement mauritanien, 14 localités ont bénéficié d’une réhabilitation de leur système d’alimentation en eau potable au profit de 11 600 habitants.170 000 personnes ont désormais un accès amélioré à des services d’assainissement.
Au Burkina Faso, l’Appui Budgétaire Sectoriel pour le secteur de l’eau et de l’assainissement financé par l’Allemagne (18 millions d’Euros) a contribué à la réalisation et la réhabilitation d’ouvrages en eau et assainissement sur toute l’étendue du territoire. Cet appui a ainsi contribué à la réalisation de 10 systèmes d’adduction d’eau potable simplifiée (AEPS), 302 forages et 6 095 latrines familiales.
Au Niger, 22 000 personnes sont nouvellement desservies en eau potable avec la réception de 33 systèmes d’adduction d’eau potable (AEP) réhabilités à Tillabéry, grâce à la Composante Hydraulique et Assainissement pour les zones Nord Tillabéri et Ouest Tahoua au Niger, dans le cadre du PROSEHA de l’Union européenne (8 millions d’Euros).
Pilier II : Résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle

Les interventions sur le pilier 2 développent des appuis multisectoriels permettant aux populations de préserver et de renforcer leurs moyens d’existence. Pour faire face aux situations les plus extrêmes, les projets du PDU ont permis d’apporter une assistance alimentaire à 125 000 bénéficiaires. Ils développent également des activités génératrices de revenus, renforcent les tissus des petites et moyennes entreprises sur les territoires et revalorisent les terres agricoles et les activités pastorales. Ils ont ainsi permis à 194 000 personnes de conserver et de développer leurs moyens d’existence et leurs revenus dans leurs lieux de vie.
Au Mali, le projet Relèvement et stabilisation économique de Konna de la Banque mondiale dans le cadre du Projet de Reconstruction et de Relance Economique – PRRE (30 millions d’USD) a permis de réhabiliter et de reconstruire 60% des bâtiments du port de Konna qui est à nouveau opérationnel depuis juin 2020.
Le port a également bénéficié d’autres activités pour la relance économique grâce au projet, telles que la construction de blocs de latrines, de magasins, de bureaux pour l’administration, de hangars, d’un château d’eau, etc. De plus, ayant bénéficié d’une prolongation jusqu’en juin 2021, le projet a pu mettre en œuvre des activités d’intérêt communautaire, telles que la création et équipement d’une maison des jeunes de Konna, d’un centre numérique et d’un complexe sportif. Lors de l’inauguration des infrastructures réalisées, le gouvernement malien a salué la coordination des membres de l’Alliance Sahel autour de Konna comme exemple de réussite.
Au Niger, le projet de Renforcement de la résilience et développement humain financé par la coopération espagnole (10,8 millions d’euros), exécuté dans la région de Tahoua, a permis à 6685 bénéficiaires dont 50% de femmes de conserver et de développer leurs moyens d’existence et leurs revenus. Il a entre autres assuré la mise en place de 7 unités de production d’aliments pour bétail, la donation de bétails et d’équipements de transformation agricole ainsi que l’aménagement de 29 sites maraichers d’une superficie totale de 15,38 ha.

Pilier III : Renforcer la cohésion sociale
Les actions engagées au titre du pilier 3 visent à renforcer, voire reconstruire, la confiance entre les diverses communautés mais également entre les populations civiles, les autorités et les institutions publiques. Elles développent des espaces de dialogue, des comités de gestion de conflits, des outils de communication et de sensibilisation (radios communautaires, caravanes de la paix) et mettent les jeunes et les femmes au cœur des dynamiques de médiation et de prévention des conflits. Le PDU a ainsi appuyé la création de 1 572 structures contribuant à la prévention des conflits et à la cohésion sociale et a permis de sensibiliser 414 000 personnes dans les cinq pays du Sahel sur ces enjeux.

Pilier II/III : Une approche intégrée pour la stabilisation des espaces frontaliers
4 actions contribuent aux piliers II et III de manière intégrée afin de renforcer la résilience alimentaire et nutritionnelle des populations et de réduire le nombre des conflits intercommunautaires dans les zones les plus vulnérables. Le Programme d’urgence pour la stabilisation des espaces frontaliers du G5 Sahel de l’Union européenne (147,48 millions d’Euros) finance des transferts monétaires à travers des ONG dans les communes frontalières les plus vulnérables du G5 Sahel, afin de permettre aux populations de répondre à leurs besoins alimentaires. Le programme a ainsi permis à 111 953 bénéficiaires de recevoir un soutien à la sécurité alimentaire.

Le projet « Jeunes et Paix » (PNUD, 3 millions d’USD) a appuyé les efforts de consolidation de la paix et de la sécurité au Mali et au Burkina Faso, à travers une gouvernance participative impliquant les jeunes en tant qu’acteurs de paix et de développement dans les mécanismes de prévention et de gestion des conflits locaux. Grâce au projet, les besoins et aspirations de 390 jeunes , dont 150 femmes, sont mieux intégrés dans les mécanismes et structures de prise de décisions au niveau local.

Dans la mise en œuvre du PDU, une attention toute particulière est portée aux appuis aux autorités locales et aux services déconcentrés de l’Etat, pour leur permettre de mieux assurer leur rôle de prestataires de service au profit des populations et contribuer à leur revalorisation aux yeux des bénéficiaires. Les projets du PDU contribuent ainsi au fonctionnement et au renforcement des capacités des communes, à la maîtrise d’ouvrage des collectivités locales et à l’élaboration de stratégies de mobilisation des ressources communales. Ils accompagnent les collectivités locales pour améliorer leur redevabilité vis à vis de leurs administrés et impulser une gouvernance inclusive et participative.
Plusieurs projets du PDU ont fait l’objet de cofinancements ou de financements parallèles entre membres de l’Alliance Sahel, dans une logique partenariale concrétisant une coordination opérationnelle renforcée entre bailleurs et en illustrant les bénéfices (exemples emblématiques des projets de reconstruction et de relance économique à Konna au Mali ou d’appui aux filets sociaux en Mauritanie). Trois d’entre eux s’inscrivent dans une logique régionale, à l’échelle du G5 Sahel, afin d’avoir un impact sur des problématiques communes tout en contribuant au renforcement de l’intégration sous-régionale.
Enfin, une mise en œuvre « multi-acteurs » (Etats, collectivités, ONG etc.) a été privilégiée pour s’adapter au mieux aux contextes d’intervention de zones particulièrement fragiles. Cette mise en œuvre s’est caractérisée par une grande flexibilité, avec notamment des réorientations (dans le contenu ou dans le ciblage géographique) pour tenir compte des difficultés rencontrées ou de l’évolution des situations d’intervention, et des procédures et modes opératoires simplifiés.