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L’approche participative pour assurer la durabilité des projets

L’approche participative consiste à laisser la population décider quelles activités mettre en œuvre, en s’appuyant sur les besoins identifiés dans les plans locaux de développement. Pour mieux comprendre comment cette approche est mise en œuvre sur le terrain, nous avons interviewé Amadou Djigo, point-focal de l’association AMAPV, membre du consortium chargé du projet PRODEVELOP en Mauritanie. Nous avons croisé son regard avec celui de Khalid Mahamat Moussa, coordinateur de l’ONG COOPI et chef de file du consortium.

L’association AMAPV (Association mauritanienne d’Appui aux Populations Vulnérables) concentre son action sur la sécurité alimentaire et l’humanitaire. L’association travaille sur l’ensemble du territoire mauritanien, avec une attention toute particulière sur le Hodh ech Chargui, le Hodh el Gharbi, ainsi qu’une zone dans le Sud de la Mauritanie.

Quels sont les défis de la région du Hodh ech Chargui, ciblée par le projet PRODEVELOP ?

La région du Hodh ech Chargui est frontalière avec le Mali, un pays en proie à des agressions et à des problèmes avec les djihadistes. Cela impacte indirectement cette région de la Mauritanie. Il y a des moments où la mobilité des populations est réduite et où les interventions des ONG internationales et de l’État sont limitées à cause de l’insécurité.

Le second élément, c’est la pauvreté. C’est une région très pauvre, avec peu d’opportunités économiques.

Il y a un manque d’organisation de la société civile au niveau de la région, parce que le taux d’alphabétisation est très faible, les populations sont peu formées et peu outillées. On constate aussi de nombreux conflits entre agriculteurs et éleveurs.

Le contexte sur lequel nous travaillons avec le projet PRODEVELOP, c’est de contribuer à la sécurité alimentaire des populations, mais aussi de travailler pour qu’il y ait la paix, la cohésion sociale entre les différentes communautés de la région

Comment réaliser le diagnostic avec les populations pour faire remonter leurs priorités, leurs besoins réels ?

Au niveau de la wilaya (de la région), il y a des dispositifs en place qui fédèrent tous les intervenants au niveau de la région. Un second palier, c’est au niveau de chaque département, il y a les communes avec des élus locaux qui connaissent parfaitement leur population, leur zone. Le troisième palier, c’est au niveau des villages : il y a une forme d‘organisation traditionnelle. Quand on vient dans un village, il est facile pour le chef du village ou de la tribu de mobiliser très rapidement les populations pour participer à une activité.

Au niveau de l’État, il y a des délégués régionaux de l’agriculture, de l’environnement, de l’élevage. Ce sont eux qui chapeautent toute la concertation, toute la coordination en rapport avec le projet. Les premières informations sont recueillies à travers eux.

Sur le terrain, il faut rencontrer les populations concernées, les briefer. Souvent, on demande au maire ou à un leader d’accompagner pour créer la confiance. Les gens ont parfois peur de répondre aux questions, car ils ne savent pas qui est l’interlocuteur. En venant avec un élu local, ça facilite le travail.


Comment s’assurer que les activités du projet répondent aux besoins prioritaires des populations ?

« L’identification des activités est faite en commun accord avec les bénéficiaires. Cela vient de leurs propres besoins. Ils sont impliqués dans l’identification et dans la priorisation de leurs besoins, tenant compte des moyens financiers disponibles. La région s’assure que toutes les actions proposées ou identifiées par la communauté s’insèrent dans le plan régional de développement. Après cette validation, l’approbation doit être donnée par le comité régional, présidé par le wali ou le gouverneur, qui donne accès au lancement effectif des activités. »

Khalid Mahamat Moussa, coordinateur de l’ONG COOPI

Quelle est la valeur ajoutée de travailler avec une organisation nationale comme AMAPV ?

La valeur ajoutée des associations nationales, c’est de connaître le contexte, la culture des gens, les sujets tabous que l’on ne peut pas aborder comme cela. Nous connaissons les autorités, elles nous reconnaissent. Les populations sont plus réceptives quand c’est quelqu’un du pays qui leur parle. Cela leur donne confiance. Quand on échange, même si la personne essaie de contourner la réalité, je sais si ce qu’elle dit est réel ou si elle masque quelque chose.

La connaissance du terrain, la connaissance de la culture du pays et des populations, la connaissance du contexte, le fait que les associations nationales sont des associations reconnues, cela facilite le travail.

L’autre élément, c’est que c’est une bonne approche, une bonne gestion de s’appuyer sur les organisations du pays. Ce sont les organisations nationales qui doivent changer la Mauritanie. C’est important d’investir dans les associations nationales pour qu’elles puissent apporter leur contribution à la construction du pays.

Si ce sont des organisations internationales qui développent notre pays, cela crée beaucoup de difficultés. Ces organisations ne connaissent pas le contexte et la culture, les gens se méfient et se demandent ce que l’on va faire des informations collectées.

L’approche de la fondation Facilité Sahel, c’est de travailler via des consortiums d’organisations internationales et nationales. C’est une complémentarité: nous avons une valeur ajoutée, mais l’organisation internationale aussi. 

Quelles sont les activités mises en œuvre par le projet PRODEVELOP ?

La première étape, c’est de faire en sorte que le projet soit approprié par les différents acteurs. Il y a eu une présentation du projet auprès des maires et auprès des acteurs qui travaillent au niveau de la région. On peut dire qu’en termes d’appropriation, le processus est en marche. C’est très important parce que si les gens ne s’approprient pas le contenu du projet, la démarche, la stratégie, c’est extrêmement difficile ensuite de dépasser cela. On a réussi à avoir l’engagement de toutes les parties prenantes au projet.

Deuxièmement, il y a eu un travail d’identification des bénéficiaires.

Des sensibilisations ont commencé avec le partenaire SOS Désert. Le processus concernant des ouvrages qui seront conçus est aussi bien avancé. Les bénéficiaires et les autorités ont donné leur accord, maintenant, on va travailler sur les aspects techniques. Une mission a été faite et un rapport technique a été envoyé aux trois organisations qui composent le consortium, ainsi qu’à GOPA, la structure de contrôle des normes de qualité, et à la fondation de la Facilité Sahel. 

Le projet s’appuie sur l’approche HIMO (Haute Intensité de Main d’Œuvre). Pourquoi mettre cette approche en place dans le cadre de ce projet ?

Dans cette zone, certains jeunes sont agriculteurs, d’autres éleveurs, mais les opportunités économiques sont minimes. Il y a un fort taux d’analphabétisme. Avec l’approche HIMO, on va proposer aux jeunes qui ont la force de travailler de participer. Comme le projet vise à lutter contre la pauvreté, ce sera un revenu pour ces jeunes des villages.

C’est une zone fragile, à haute intensité agro-pastorale. Le projet compte donc des activités humanitaires, mais aussi de développement pour pouvoir donner aux populations des moyens de subsistance. 

L’approche HIMO et ses nombreux avantages

« Il s’agit d’utiliser la main d’œuvre disponible dans la zone pour réaliser les infrastructures. Cette approche a beaucoup d’avantages, entre autres la création d’emplois temporaires locaux, mais aussi l’apprentissage de techniques, assurant ainsi une professionnalisation des personnes employées. Cela limite l’exode rural ou la migration saisonnière en créant des emplois sur place. Cela a donc pour avantage de pousser l’économie locale, puisque le financement est assuré localement. Les participants à ces travaux peuvent mieux assurer leurs besoins de base, comme l’achat de nourriture, de médicaments et de fournitures scolaires pour leurs enfants. Cette approche renforce la cohésion parce que toutes les couches de la population sont associées et travaillent ensemble dans les chantiers de construction. Cela a donc un effet multiplicateur. »

Khalid Mahamat Moussa, coordinateur de l’ONG COOPI

 

Khalid Mahamat Moussa, coordinateur de l’ONG COOPI

Quelles sont vos sources de satisfaction et de crainte par rapport au projet ?

Le bailleur de fonds – la fondation Facilité Sahel – a choisi l’approche « laisser faire ». Notre satisfaction, c’est qu’il y a une confiance. Ce projet n’a pas été écrit par une organisation internationale, nous avons participé au processus, aux différentes étapes. 

Notre association reçoit des financements, au même titre que COOPI qui est une organisation internationale. Nous faisons une réunion mensuelle entre les membres du consortium et la personne qui suit le projet au niveau de la Facilité Sahel et nous discutons à bâtons rompus. Chacun donne son point de vue. On ne nous impose rien.

Dans le contexte du projet, il y a des normes à respecter, c’est normal, et le bureau d’étude GOPA nous aide à les respecter.

Nos inquiétudes, c’est que chaque bailleur de fonds est différent, chacun a ses normes. Le processus d’appropriation de ces normes, de ces procédures, des outils, ça prend du temps. Durant cette phase d’appropriation, il y a pas mal d’aller-retour. Cela peut créer de l’impatience, mais tout processus d’appropriation prend du temps.

Le projet PRODEVELOP vise à renforcer la cohésion sociale, en prévenant les conflits, en particulier ceux liés à la gestion des ressources naturelles partagées. Le projet vise aussi à développer des infrastructures productives agropastorales qui vont permettre d’améliorer la sécurité alimentaire et les moyens d’existence pour faire face à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. 

Le projet est mis en œuvre dans la région du Hodh El Chargui, situé à l’extrémité Est de la Mauritanie, à la frontière avec le Mali. C’est une zone agropastorale qui connaît des problèmes liés au changement climatique, avec un important déficit pluviométrique et un problème d’infrastructure et d’approvisionnement en eau. 

Pour Khalid Mahamat Moussa, la source des conflits dans la région du Hodh Ech Chargui provient de l’utilisation partagée de l’espace et des ressources entre cultivateurs et éleveurs : « Les sites aménagés mettent à disposition de l’eau utilisée pour abreuver les animaux et pour l’exploitation agricole. Cela peut être une source de conflit. C’est donc important de mettre en place des comités de gestion et des accords sociaux pour la gestion des ressources. Il faut aussi mettre sur place des accords de cession pour l’exploitation de ces sites, afin d’éviter des conflits entre les parties prenantes. »

Le projet est financé par la fondation Facilité Sahel et mis en œuvre par un consortium composé de trois partenaires : COOPI, AMAPV et SOS Désert. 


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