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« Notre volonté est de placer les bénéfices pour les populations du Sahel au centre de nos réalisations »

Rencontre avec Christoph Rauh, Directeur Afrique au ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ). Dans cette interview, il revient sur ses trois années à la tête du comité de pilotage de l’Alliance Sahel, et sur l’engagement de l’Allemagne au Sahel.

Quel regard portez-vous sur l’Alliance Sahel, 5 ans après sa création ?

A l’origine l’Alliance Sahel comptait 3 membres fondateurs, à savoir l’Allemagne, la France et l’Union européenne. Aujourd’hui, nous rassemblons 26 membres! Notre initiative a connu une forte croissance ces dernières années et nombreux progrès ont été atteints dans différents domaines : nous avons maintenant un portefeuille [de projets] important rassemblant toutes les activités des donateurs : 26 milliards d’euros investis dans un total de 1200 programmes et projets. Je suis également fier que nous ayons une structure qui fonctionne très bien sur le terrain, ce n’est pas seulement une structure de coordination entre les capitales. L’Alliance Sahel est une plateforme centrale dans la région du Sahel agissant en partenariat avec le Secrétariat du G5 Sahel basé en Mauritanie. Des actions positives ont eu lieu et nous pouvons aussi réagir rapidement aux nouveaux développements en cours dans la région, par exemple concernant la nouvelle crise alimentaire qui est une cause de la guerre en Ukraine.

Quels défis restent à relever pour contribuer au changement dans la vie des hommes et des femmes du Sahel ?

Le Sahel est l’une des régions les plus pauvres du monde, et nous ne devons jamais l’oublier. Nous avons beaucoup de défis à relever, dans la construction d’infrastructures par exemple. Mais nous devons aussi tenir compte des circonstances politiques, c’est quelque chose que je voudrais souligner ici: l’Alliance Sahel n’est pas seulement une structure de coordination technique des donateurs, mais nous avons aussi pu travailler sur des positions politiques communes et des messages que nous avons envoyé à nos partenaires dans la région. En fin de compte, c’est aussi une question de bonne gouvernance dans les pays partenaires et, chaque fois que nous le pouvons, nous voulons aider nos partenaires à améliorer la donne dans ce domaine.

Visite conjointe de Christophe Rauh et Adrien Haye (UCA) dans un centre de santé de Nouakchott

Les priorités d’hier pour l’Alliance sont-elles encore celles d’aujourd’hui ?

Elles ont un peu changé bien sûr, mais une des raisons d’être première de l’Alliance est de soutenir les plans de développement de nos partenaires sahéliens. Les populations de la région du Sahel doivent rester la priorité de tout ce que nous faisons. Nous devons regarder ce qui se passe sur le terrain et quelle part de notre soutien fait vraiment la différence pour les Sahéliennes et Sahéliens. Dans ce contexte, nous mettons également en place des mécanismes de suivi, ce qui est important. En tant qu’Alliance Sahel, nous devons démontrer que les choses fonctionnent et aller sur le terrain. Nous devons examiner les questions de suivi-évaluation collectivement en tant que groupe de 26 donateurs, et mentionner clairement les avantages et la portée de nos réalisations dans les pays du G5.

Quel est le bilan de l’Allemagne après 3 ans de présidence du Comité de pilotage?

Ce fut une période difficile, mais je suis fier d’avoir pu présider ce Comité de pilotage pendant 3 ans, cela a été un travail fascinant. Dans le contexte de la crise du covid, il n’a pas toujours été aisé de travailler, nous avons eu pendant presque 2 ans un accès très restreint à la région du Sahel. C’était le moment où nous avons pu clairement affiner le mandat des différentes structures de l’Alliance Sahel. Je parle de l’Assemblée Générale et du rôle du Comité de pilotage, ainsi que de la construction de la structure de coordination UCA, le projet de coordination à Bruxelles. Nous ne devons pas oublier que tout cela a commencé il y a seulement quelques années et que nous pouvons tous être fiers des avancées en tant que groupe de donateurs !

Projets d’appui à la décentralisation au Tchad soutenu par la coopération Allemande.

Compte tenu de l’évolution du contexte, quelles seront les priorités de l’Allemagne [pour le Sahel] dans les mois à venir ?

En tant que Coopération allemande au développement, nous resterons fortement engagés à l’avenir pour soutenir l’Alliance Sahel. Il est important d’effectuer une rotation dans les mandats de gouvernance pour créer l’appropriation nécessaire. Il y aura quelques changements dans les différents niveaux de gouvernance de l’Alliance Sahel, mais l’Allemagne jouera certainement un rôle très actif, par exemple dans le groupe de travail sur la décentralisation. Nous continuerons également à soutenir l’unité de coordination. En Allemagne, nous avons un nouveau gouvernement et un nouveau ministre de la coopération au développement, nous allons donc examiner les domaines supplémentaires dans lesquels nous pourrons agir. Par exemple, les aspects liés à l‘égalité des sexes et aux questions climatiques seront encore renforcés à l’avenir. Vous pouvez être sûrs que nous arriverons avec des impulsions supplémentaires que nous pourrons intégrer dans nos discussions au sein de l’Alliance Sahel.

Quelles sont vos préoccupations actuelles pour la région du Sahel ?

Nous sommes préoccupés par les développements politiques auxquels nous avons assisté au cours des derniers mois et années dans certains pays du G5. Nous espérons que les pays concernés reviendront à un contexte démocratique et que les transitions au Mali, au Burkina Faso et au Tchad se dérouleront bien. D’une certaine manière, c’est la base de notre coopération avec le Secrétariat du G5 et le G5 en tant que groupe. Tout ce que nous pouvons faire du côté de l’Alliance Sahel pour soutenir ces processus, nous sommes prêts à le faire. Ce serait un grand apport pour tout le monde si le Mali pouvait revenir dans la structure du G5.

Quels messages souhaitez-vous envoyer aux Sahéliens ?

Nous sommes à vos côtés et nous savons que les conditions de vie dans la région du Sahel ne sont pas faciles. Avec ce que nous réalisons en tant qu’Alliance, nous voulons montrer notre solidarité. C’est d’un seul monde dont nous parlons, nous ne fermons pas les yeux et ne regardons pas vers d’autres parties de la planète. Nous voulons vraiment placer les bénéfices pour les populations du Sahel au centre de ce que nous faisons. Le dialogue politique est important, et nous devons investir dans ce domaine. Mais le centre de notre travail, c’est les changements de vie positifs pour les Sahéliens.  


Retrouvez l’interview video dans son intégralité (en anglais):

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