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Renforcer la résilience des communes au Sahel: premier bilan de la Facilité Sahel

Fin octobre 2021, le programme d’aide « Facilité Sahel » était lancé. Il est destiné aux populations les plus vulnérables de la région des trois frontières. En complément au financement initial de 50 millions d’euros du gouvernement allemand, la France va elle aussi contribuer à cet instrument financier, via une enveloppe financière de 5 millions d’euros. Un an après le lancement de la Facilité, Patrick Berg, Directeur exécutif de la Fondation Facilité Sahel, partage dans cet interview les premiers accomplissements et les défis rencontrés.

En quelques mots, dans quel contexte et avec quels objectifs la Facilité Sahel a-t-elle été créée?

L’idée de la création de la Facilité a été développée par les membres de l’Alliance Sahel lors d’une réunion de leur comité de pilotage. Il s’agissait d’initier un instrument de financement sous forme de fonds fiduciaire, plus agile et plus souple pour compléter les efforts de la coopération bilatérale. Sur le plan légal, les deux structures sont indépendantes. Mais la Facilité se sent membre de la famille de l’Alliance Sahel, avec qui nous sommes en contact permanent, notamment pour ajuster les priorités et le choix territorial multi-secteurs. La Facilité suit l’Approche Territoriale Intégrée: nous nous basons sur les régions prioritaires déjà identifiées par l’Alliance Sahel et nous discutons du choix final avec les partenaires locaux, y compris avec les membres de l’AS pour garantir une synergie entre les différentes interventions.

La facilité Sahel est un acteur de la société civile agissant en dehors de la coopération bilatérale, même si les fonds proviennent des Etats et institutions membres de l’Alliance Sahel. Il s’agit aussi pour la Facilité d’accompagner les efforts du secrétariat exécutif du G5 Sahel dans le secteur socio-économique. Elle a été créée suivant la conviction qu’il est nécessaire de renforcer la résilience des communes face aux dangers que représentent les mouvements terroristes, et ce afin d’atteindre une vraie stabilité et une paix durable. Ce renforcement des communes explique le mandat de la facilité de financer des projets qui travaillent directement avec le niveau local, régional et communal.

Quels sont les principaux accomplissements de la Facilité?

La Facilité existe depuis septembre 2021, nous sommes une institution encore très jeune! L’an dernier nous avons beaucoup travaillé sur la mise en œuvre des cadres juridiques et logistiques de notre travail. En parallèle, nous avons déjà signé deux contrats de financements avec des consortiums d’ONG, un contrat au Mali et l’autre en Mauritanie. Nous avons lancé deux appels à projets de plus pour le Burkina et pour le Tchad – dont nous pensons clôturer avec des financements en début 2023 – et nous sommes déjà en train de travailler au lancement de nouveaux appels à projets pour l’année prochaine. Après à peine un an en activité, nous sommes très satisfaits de ces résultats. Ce qui était vraiment étonnant pour tous nos partenaires, est qu’entre le lancement d’un appel à proposition et la signature du contrat de financement, il ne faut compter qu’une période de 6 mois.

Au Mali, des travaux ont déjà commencé dans la région de Gao. Il s’agit d’ouvrages qui complètent des activités déjà en cours dans la région. Nous avons construit par exemple des latrines pour des centres de santé, des points d’eau sont envisagés ainsi que des parcs de vaccination et des marchés pour développer l’économie. Malheureusement la situation actuelle dans notre zone d’intervention au Mali est très difficile à plusieurs niveaux. La sécurité constitue un sérieux défi, et surtout depuis très récemment avec l’interdiction du gouvernement malien adressé aux ONG financées par la France. Nous sommes en attente de clarification de la mise en œuvre des décisions du Gouvernement du Mali.

Concernant la mise en œuvre des projets en Mauritanie, tous les contrats ont été signés et nous sommes dans la phase du dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes pour identifier les activités dans les régions bénéficiaires.

Quelles sont les priorités actuelles de la Facilité?

La première priorité est de continuer avec le lancement de nouveaux appels à projets. Nous allons présenter deux nouveaux appels début 2023 au Niger et en Mauritanie. Nous sommes très fiers qu’avec l’appel au Niger, nous aurons des projets soutenus en faveur des populations des 5 pays de la région du G5 Sahel. Deux autres appels seront lancés également au deuxième semestre 2023. Nous allons inviter davantage de bailleurs de fonds en 2023 pour soutenir notre travail.

En outre, l’année prochaine, nous souhaitons étudier les possibilités de projets transfrontaliers avec nos partenaires. L’avantage de la Facilité est qu’elle peut financer des projets de ce type. C’est un avantage par rapport aux projets bilatéraux, qui ne concernent généralement qu’un seul pays.

Dans ce type d’analyse, la facilité bénéficie de voix régionales fortes au sein de ses institutions, ce qui se traduit par une grande appropriation de nos projets par les personnes concernées. Nous avons par exemple la participation du Secrétaire Exécutif G5 dans notre conseil stratégique. Pour notre conseil consultatif, nous bénéficions de la participation des membres des 5 pays (gouvernements locaux, société civile, associations régionales et transfrontalières) que nous voyons régulièrement et qui relaient les attentes de la population. C’est un important réseau de personnes ressources qui collaborent avec nous.

Quels sont les challenges que vous rencontrez sur le terrain, en particulier pour répondre aux besoins et aux aspirations des populations?

Le plus grand défi est la situation sécuritaire instable, par exemple dans la région de Gao au Mali où certaines zones ne sont plus accessibles par les entreprises locales et les ONG. Se déplacer dans certains villages et y travailler est devenu trop dangereux. Nous avons opté pour des projets de 4 à 5 ans, mais il est difficile lors du lancement de l’appel à projet de connaître quelle sera la situation sécuritaire deux ou trois ans plus tard…

Pour répondre à ce défi, l’avantage de la facilité est d’être extrêmement flexible, ce qui nous aide à trouver des solutions créatives pour continuer le travail si le plan initial ne fonctionne plus. Nous faisons face par exemple à des déplacements de populations qui fuient leurs villages vers des camps de déplacés. Dans ce cas nous essayons de réorienter nos activités prévues dans les villages touchés vers les nouveaux lieux de vie des populations, afin de rester auprès des bénéficiaires identifiés dès le début du projet. Nous essayons alors de créer des activités là où se trouvent les déplacés. Par exemple, l’installation d’un réseau d’eau qui contribuera au développement à long terme de la ville, même après la situation d’urgence actuelle. Nous nous attelons également à la recherche de communes qui partagent des problèmes similaires et qui ont  des plans de développement locaux similaires et pouvant être utilisé pour mettre en œuvre les activités.

Nous faisons face également à un autre défi: l’idée initiale de la Facilité est de travailler dans les zones périphériques, loin des villes.  Cependant les autorités locales ne se trouvent pas toujours dans leur village, à cause de l’insécurité. Par ailleurs, les petites communes n’ont pas forcément le personnel technique suffisant pour suivre la mise en œuvre des projets. Par conséquent, nous collaborons avec des ONG pour la mise en œuvre des activités, à condition qu’elles travaillent étroitement avec la population locale et les autorités.

Quels résultats vous rendent fier? Quelles sont les clés de ces réussites?

Nous sommes très satisfaits de notre procédure de candidature. Cette approche est peu contraignante au départ avec juste l’envoi d’une note conceptuelle de deux pages. Cela a favorisé la participation de ONGs locales dans le processus. Ensuite, nous sélectionnons un petit nombre de candidats qui ont été convaincants pour la phase finale de sélections et nous les invitons à soumettre les documents habituels: description de projet, plan de travail. Nous avons eu beaucoup de feedback positif sur cette approche, y compris de la part des petites ONG qui ont répondu aux appels – même de celles qui n’ont pas réussi.

En ce qui concerne les clés de nos réussites, la facilité a deux atouts: d’une part, une équipe petite et très engagée avec des expériences diversifiées en Afrique. Nous ne sommes que 5 employés et nous travaillons ensemble en direct, sans devoir impliquer d’autres départements avant de prendre une décision. Cela nous permet d’agir très vite à la fois pour la sélection des projets mais aussi quand nous devons fournir une réponse à une urgence. D’autre part, notre excellent réseau régional. Le conseil consultatif, la proximité de collaboration avec le G5 Sahel et les autorités locales, le travail avec les partenaires de l’Alliance Sahel sur place, tout cela nous aide à identifier les besoins et développer des approches adaptées à la situation locale.


Signature de la convention de financement de la Facilité Sahel par la France:

La France apporte sa contribution financière à la Facilité Sahel

Lors du comité de pilotage opérationnel de l’Alliance Sahel du 7 décembre 2022, des représentants de l’Agence Française de Développement et de la facilité Sahel ont procédé à la signature d’une convention de financement pour un montant de 5 millions d’euros. La France a en effet décidé de rejoindre l’Allemagne comme bailleur de fonds de la Fondation « Facilité Sahel ». L’Allemagne a dédié 50 millions d’euros à la Facilité Sahel.

La Facilité Sahel s’inscrit dans une volonté de mutualiser les approches et solutions des bailleurs de fonds attentifs à la situation particulièrement difficile des pays du G5 Sahel, dont la sécurité des populations semble davantage se dégrader, de telle sorte que leur cohésion sociale s’en trouve souvent menacée.

La Facilité Sahel se veut une réponse à cela, par le financement de programmes pertinents à la fois pour améliorer les infrastructures d’usage et créer des opportunités de revenus pour les communautés locales dans des secteurs d’activités économiquement porteurs, comme l’agriculture, l’élevage, l’artisanat… Il s’agit dès lors de favoriser un cadre propice à de meilleures conditions de vie des populations, pour lutter efficacement contre le délitement du lien social et, par voie de conséquence, pour mieux préserver la paix entre elles.

Cette démarche cadre bien avec celle de l’Initiative Minka au Sahel, qui vise à contribuer à la consolidation de la paix, à la prévention des conflits et au développement, dans les zones ciblées des pays du G5 Sahel.


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