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Affaires de femmes: à Niamey, des coopératives actives contre l’insécurité alimentaire

A Niamey au Niger, plus de 500 femmes sont actrices d’un projet qui améliore leurs revenus et leur sécurité alimentaire. Mis en oeuvre par 2 ONG  avec le soutien des autorités locales, ce projet appuyé par la coopération espagnole porte ses fruits. Les femmes bénéficiaires du projet s’expriment sur l’impact de ce projet dans leur vie.

 

A Bosseye Bangou Château (Niger), une dizaine de femmes s’affairent autour de casseroles fumantes pour la fabrication du Dégué.

 

Il plane un vent de bonne humeur ce matin à Bosseye Bangou Château. A l’ombre d’un majestueux acacias déployant ses branches comme autant d’ombrelles accueillantes, une dizaine de femmes en tablier s’affairent autour d’impressionnantes casseroles fumantes. Aujourd’hui, c’est le jour de la fabrication du dégué, semoule de mil, fruit d’un travail de groupe fastidieux et exigeant. La réussite de ce processus de transformation alimentaire passe par un travail à la chaîne bien rôdé, et bien rythmé.

Les 35 femmes de la société coopérative de Bosseye réalisent cette production de dégué deux fois par mois, en grande quantité pour satisfaire la fourniture des points de vente. La commercialisation est gérée par une partie du groupe, qui en a fait sa spécialisation. Le dégué est vendu au sein de la communauté, mais également dans les alimentations de Niamey. Les femmes de la coopérative ne se limitent pas à la production de la semoule de mil: elles ont diversifié leurs activités, produisant plusieurs mets de consommation locale tels que les jus de bissap, de gingembre, la pâte d’arachide… Elles ont également mis sur pieds une banque de céréales et un moulin. Autant d’activités génératrices de revenus et de lutte contre l’insécurité alimentaire, rendues possibles avec l’appui de la coopération espagnole.

 

Fabrication du Dégué, semoule de mil.

 

Le projet est mis en oeuvre par les ONG CONEMUND et CDR (Contribution Développement Rural) avec le soutien des autorités locales. Il s’est concentré sur trois villages de Niamey au sein de la Comune II. Deux de ces localités (Bossey Bangou et Gourou Kayna Bantanedo) sont des zones véritablement rurales, physiquement séparées de Niamey, et la troisième, Danzama, est un quartier périphérique de Niamey touché par la vague d’immigration. Dans ces trois villages, six groupes de femmes, deux par village, ont été sélectionnés comme bénéficiaires directs du projet.

Objectif ? Améliorer les revenus et la sécurité alimentaire de 556 femmes membres de 6 Groupements d’Intérêt Economique (GIE). Les bénéfices des ventes sont répartis en deux: une part est versée dans la caisse de la coopérative, l’autre part est distribuée aux membres pour couvrir les besoins des ménages. Un apport bienvenu en milieu périurbain, où de nombreux ménages vivent sous le seuil de pauvreté.

 

Une banque de céréales pour lutter contre la spéculation

La banque de céréales joue un rôle clé auprès des ménages en période de soudure: avec un stock de vivres vendus à prix stable aux familles de la localité, elle permet d’éviter la spéculation due à l’envolée des prix dans les mois d’avril et juin. En 2021, le groupement de Bosseye a mis à disposition en premier stock de la banque de céréales 5 tonnes de mil, 1 tonne de riz et 8 tonnes de maïs. La zone du projet est en effet soumise à une pression démographique importante, qui à son tour entraîne l’appauvrissement des services sociaux et l’épuisement des ressources naturelles, qui sont rares en elles-mêmes.

 

Aichatou Fodi, membre du comité de commercialisation des produits agroalimentaires et bénéficiaire du projet.

 

Aichatou Fodi, membre du comité de commercialisation des produits agroalimentaires, témoigne:

Avant l’avènement du projet nous éprouvions beaucoup de difficultés. Nous n’avions pas de moulin à grains, il fallait se déplacer loin d’ici pour moudre nos céréales. Avec les activités génératrices de revenus que nous menons, nous avons pu acquérir des notions de comptabilité et de gestion financière simplifiée grâce aux formations. Nous calculons les bénéfices ou les pertes alors qu’avant le projet, c’était vraiment de l’informel!

 

Commercialisation des produits fabriqués au sein de la coopérative.

 

Au-delà de la création des banques de céréales, le projet a mis à disposition des unités de transformation, avec une formation technique et nutritionnelle conséquente. Chaque village a été équipé de moulins, de séchoirs à énergie solaire et d’unités d’extraction d’huile d’arachide.

Fonctionnement du moulin à céréales de Bosseye, au coeur de la localité.

 

Les membres des coopératives ont suivi des formations théoriques qui ont été accompagnées de deux voyages d’échange pour découvrir d’autres expériences de transformation des femmes dans le pays.

Aichatou y a participé:

Nous avons aussi effectué des voyages d’étude (à l’intérieur du pays à Tahoua et à Maradi) qui nous ont permis d’acquérir de nouvelles expériences dans le cadre de nos activités. Personnellement je suis allée jusqu’au Sénégal pour participer à une foire et c’est grâce au Projet. Maintenant nous pouvons à notre tour former d’autres femmes. »

 

Vers une meilleure prise en charge de la malnutrition

Un groupe de femmes relais nutritionnistes responsables de la sensibilisation a été formé parmi les villageois. Aichatou explique:

Les femmes du village ont été sensibilisées sur les bonnes pratiques nutritionnelles et elles sont capables à présent de savoir si leurs enfants sont en état de malnutrition ou pas. Certaines, formées sur la nutrition, mènent des sensibilisations sur les bonnes pratiques nutritionnelles. Ce qui a permis à beaucoup d’enfants de 0 à 5 ans en situation de malnutrition d’être référés dans les centres de santé intégrée. »

 

Sensibilisation aux bonnes pratiques nutritionnelles.

 

Selon les enquêtes réalisées à l’issue du projet, 100% des ménages interrogés ont déclaré que les revenus générés par les femmes sont gérés par elles-mêmes (90 femmes et 45 hommes). Trois types de comptes d’épargne ont été ouverts à la banque par les groupes bénéficiaires: pour la gestion de l’AGR, pour la gestion de la banque de céréales et pour la gestion des moulins. En effet, le projet a augmenté les revenus des six associations de femmes de la Commune II de Niamey de plus de 75% par rapport aux chiffres de référence.

 

 

Aichatou:

Pour pérenniser les activités du Projet nous pensons qu’il faut tout mettre en œuvre pour assurer une bonne gestion et je pense que nous sommes sur la voie car tous les biens dont le projet nous a dotés existent actuellement et nous comptons aller de l’avant. »

 

L’Ambassadrice d’Espagne au Niger, Nuria Reigosa Gonzales, est partie à la rencontre de femmes du projet et témoigne de ce qu’elle a vu:

 

Enfin, toutes ces actions ont eu un impact sur le niveau nutritionnel des GIE et leur environnement, notamment chez les enfants et les femmes enceintes. La création de 3 nouvelles banques de céréales et de leurs comités de gestion, ainsi que des ateliers de sensibilisation et de formation en nutrition, ont favorisé l’amélioration des habitudes de santé des femmes enceintes: sur les 66 femmes qui présentaient des symptômes de malnutrition au début du projet, seulement 2 ont continué avec ces symptômes.

 

Un projet rendu possible grâce aux efforts et au soutien de:

 

Crédit photos: Alliance Sahel/Aude Rossignol/2021

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