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La décentralisation, facteur de prévention et de résolution civile des crises au Sahel ?

Malgré les crises graves frappant plusieurs zones du Sahel, la région dispose de vastes opportunités et potentiels, parmi ceux-ci une population très jeune et talentueuse, une culture et une histoire riches, des ressources naturelles diverses et abondantes pouvant contribuer à la stabilisation et à un développement durable. Les autorités locales et collectivités territoriales jouent un rôle déterminant dans la valorisation des potentiels du Sahel en faveur du développement de la région. On estime en effet qu’autour de 65% des objectifs des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) ne pourront pas être réalisés sans la participation active, l’appropriation et le portage des acteurs locaux et notamment des collectivités territoriales.

Du 25 au 27 avril 2023, un atelier régional organisé par l’Alliance Sahel à Niamey était consacré à la décentralisation et à son rôle dans la prévention et la résolution civile des crises.

Les collectivités territoriales (CT) jouent plusieurs rôles fondamentaux dans les contextes fragiles : elles sont les interlocutrices directes de l’État vis-à-vis de la population et peuvent assurer et systématiser l’inclusion et la participation. Par ailleurs, elles coexistent avec d’autres acteurs locaux (les acteurs religieux, coutumiers et la société civile) possédant également une légitimité auprès des populations. Elles ont également la maitrise d’ouvrage du développement de leurs territoires.

Malgré leur rôle reconnu dans l’atteinte des ODD et les dispositifs législatifs de transfert de compétences, les CT au Sahel rencontrent de nombreux défis.

Pour contribuer efficacement à la gestion de conflits et au renforcement de la résilience de leurs populations, elles font face au manque de ressources pour le financement des investissements locaux et pour la création d’emploi pour les jeunes. Elles sont aussi confrontées au manque de ressources humaines qualifiées et de capacités techniques pour fournir des services de base adéquats et faire face, dans certains cas, à des déplacements massifs de populations.

Travaux des participants à l’atelier régional sur la décentralisation, Niamey

Pour aborder le rôle de la décentralisation dans la prévention et la résolution civile des crises au Sahel, le Groupe de travail « Décentralisation et Services de base » de l’Alliance Sahel a organisé du 25 au 27 avril un atelier régional à Niamey.

Cet événement a réuni des acteurs stratégiques de différents niveaux impliqués dans la stabilisation et gestion de conflit au Sahel. Cette session de travail a été organisée par les deux Co-Chefs de File du Groupe de Coordination Décentralisation & Services de base de l’Alliance Sahel, l’Allemagne (BMZ) et le Tony Blair Institute (TBI)*.

Adapter l’organisation locale

Lors de son discours d’ouverture, le Ministre délégué auprès du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation a rappelé que:

Le Niger, grand d’une superficie de 1 267 000 km², fait frontière avec sept pays, dont six sont engagés dans un conflit armé avec des groupes armés non étatiques, accueille plusieurs milliers de réfugiés et de déplacés internes. Pour garantir la sécurité et la libre circulation des biens et des personnes, très tôt, l’État du Niger a instruit les collectivités territoriales à s’organiser au niveau local de façon adaptative pour continuer à rendre les services socio-économiques de base à nos concitoyens et concitoyennes. »

Panel d’ouverture de l’atelier le 25 avril

L’atelier a regroupé près de 70 participants dont des représentant·es des membres de l’Alliance Sahel, du Secrétariat Exécutif du G5 Sahel, des instances nationales du pays hôte, des Associations de Pouvoirs Locaux (APL), la Chefferie traditionnelle nigérienne, des think tanks internationaux et régionaux, et des représentant·es d’organisations locales à base communautaires.

Un focus particulier a été mis sur le savoir et sur les expériences, la volonté étant de les traduire dans des actions concrètes, guidant le travail de l’Alliance Sahel.

L’ambassadrice d’Espagne au Niger, porte-parole de l’Alliance Sahel, a souligné dans son intervention :

Cet atelier va permettre de mettre en lumière la valeur ajoutée de l’administration décentralisée pour avancer dans un développement intégral et pour avancer dans un contexte de crise multiples ».

Le représentant de l’Allemagne, M. Cormac Ebken, a mentionné le contexte complexe spécifique du Sahel :

Les difficultés liées à la crise multidimensionnelle à la fois sécuritaire, sociocommunautaire, sanitaire, alimentaire, politique, rendent complexe les analyses sur la fragilité dans la sous-région et les possibilités de retour à la paix. »

Le Président de l’Association des Municipalités du Niger (AMN), représentant les faîtières des Collectivités Territoriales du Niger (AMN et ARENI) a quant à lui rappelé :

Aujourd’hui, avec l’élargissement de la situation sécuritaire vers le littoral ; il est plus qu’urgent que nous trouvions ensemble des mécanismes pouvant permettre aux entités décentralisées d’être le rempart par leurs actions sociales et économiques avec plus de résilience. À ce titre, à l’image de la gestion commune et internationale faite dans le cadre du COVID-19, nous sommes en droit de demander l’allègement systématique des mécanismes et procédures de passation de marchés dans les zones affectées par l’insécurité. »

Pensée globale, action locale

Penser globalement, agir localement implique une exigence de dialogue, de capital humain et de capitalisation. Cela nécessite également de repenser toute la dynamique de réflexion, notamment en questionnant ce qui se passe au niveau local pour mieux proposer des solutions qui seront prises en compte au plan global.

C’est en ce sens qu’au niveau local, des réflexions d’intelligence collective doivent être menées, car les collectivités territoriales sont les premières impactées et elles doivent assurer l’inclusion des actrices et acteurs vulnérables qui sont les femmes, les jeunes et les déplacés.

Plusieurs travaux en sous-groupes ont permis de capitaliser sur l’expérience des participants et d’avancer sur les thématiques cruciales auxquelles sont confrontées les CT.

L’atelier a été clôturé par un partage d’expérience, avec une visite de terrain dans la commune urbaine de Ouallam. Une cinquantaine de participants venus de d’Allemagne, du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, de Mauritanie et du Niger ont échangé avec les acteurs locaux sur les thèmes de l’atelier. Les visiteurs ont entre autres abordé les conséquences des crises sur la délivrance des services sociaux de base et les capacités de résilience des communes face aux différents défis.

Les participants de cette visite de terrain ont pu échanger avec la Mairie de Ouallam sur la situation sécuritaire, l’intégration des personnes déplacées et des réfugiés dans la commune, la coopération transfrontalière, la coopération entre les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les civils, et enfin l’intégration des femmes et des jeunes dans la prévention et la résolution des crises et des conflits communautaires.

Conclusions

Une série de recommandations ont été formulées par l’Association de Pouvoirs Locaux sous forme d’une Déclaration de Niamey.  Les organisations faitières de collectivités dans leurs rôles clés d’acteurs de maitrise d’ouvrage du développement local ont plaidé avec insistance afin que les procédures de financement de différents partenaires techniques et financiers soient harmonisées et qu’elles prennent en compte le rôle central des collectivités territoriales.

Aussi, les A-APL (Alliance des Associations de Pouvoirs Locaux) ont souhaité développer avec l’Alliance Sahel un partenariat structuré, organisé autour d’objectifs communs précis et ils ont affirmé leur disponibilité pour coconstruire avec l’Alliance Sahel les mesures qui devraient faciliter l’appropriation, la généralisation et la vulgarisation de l’approche territoriale intégrée.

* Le Projet régional GIZ de « Renforcement des capacités pour la décentralisation en Afrique de l’Ouest », en complémentarité avec le Projet régional de « Renforcement de coopération au Sahel » et avec le Tony Blair Institute, se chargent du soutien à la conception et mise en œuvre des recommandations de l’atelier, en concertation avec le BMZ.

Photos: © Alliance Sahel/Sani Ousseini


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