« Il devient incontournable de valoriser le potentiel solaire des régions comme le Sahel »
Lavdal Ould Dadde, Ingénieur hydraulicien de formation et Directeur de l’Hydraulique à la Direction centrale du Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, répond aux questions de l’Alliance Sahel sur les potentiels et les défis dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en Mauritanie.
Quels sont les principaux défis en termes d’accès à l’eau potable et en assainissement en Mauritanie?
Concernant l’eau potable en Mauritanie, il existe une multitude de défis au quotidien.
Le principal défi reste celui de l’existence de plusieurs localités dans des endroits où l’eau est rare et où il n’existe pas de nappes d’eau continues dans les sous-sols. De plus, même si l’on capte le débit, l’eau est saumâtre, par consequent il faudrait installer des unités de dessalement d’eau, ce qui représente énormément d’argent et un investissement important pour toutes les localités.
De manière plus générale, la Mauritanie fait géographiquement partie de la bande des pays sahélo-sahéliens, la rareté des pluies y est accrue: les poches d’eau sont rarement alimentées, cela contribue à la sécheresse. Dans certaines localités, les biseaux sont d’ailleurs complètement secs.
Concernant l’assainissement de l’eau, le défi réside surtout au niveau des grandes villes, c’est ce qu’on appelle l’assainissement collectif. Il y a un réseau d’assainissement qui couvre une partie de Nouakchott, mais pour l’assainissement des grands centres, l’enjeu financier est immense, on a donc un grand risque de retard.
On assiste aussi à un développement de la ville de manière horizontale, avec une extension urbaine, qu’il faut suivre de près, car cela peut poser problème pour l’assainissement de l’eau. Un Plan directeur a déjà été conçu, mais il souffre malheureusement d’un manque de financement. Rien que pour la ville de Nouakchott, cela reviendrait à investir 400 millions d’ouguiyas.
Quels sont les potentiels et atouts de la Mauritanie en termes de ressources en eau?
La Mauritanie en général mobilise 600 millions de mètres cube d’eau pour différents usages: agriculture, mines, alimentation en eau, etc. Il est important de noter que pratiquement les 3/4 sont destinés à l’agriculture. Concernant le prélèvement, la moitié de cette quantité vient du fleuve (abreuvage, agriculture, etc.)
1/4 des eaux sont souterraines et 1/4 sont des zones de barrages, comme celui de Voum El Gleïta.
Nous possédons en Mauritanie à la fois des ressources en eaux souterraines et en eaux de surface. Nous disposons aussi d’unités de dessalement de l’eau de mer, qui peuvent aller jusqu’à 5000 m cube par jour, et ceci sera utilisé pour la consommation au niveau du château d’eau de la ville.
Nouakchott, qui s’alimente principalement de l’eau du fleuve et de la zone d’Idini, est d’ailleurs en attente de financement pour une unité de dessalement d’eau capable de prendre en charge 200.000 m cube par jour, ce qui serait révolutionnaire pour la ville.
Il existe aussi des alternatives pour subvenir aux besoins des populations, surtout en eaux de surface, souterraines et de mer à travers le mix hydraulique. C’est une technique de diversification de sources d’approvisionnement en eau, qui permet d’augmenter l’accès à l’eau potable de manière appropriée aux besoins et aux moyens des populations mauritaniennes. Assurer le pompage continu de l’eau du fleuve et le barrage de Voum El Gleïta permettrait également de pallier le manque d’eau.
Aussi, il faut absolument se pencher sur la diversification de la source d’énergie, et donc utiliser la technique du mix énergétique (solaire, thermique et électrique) notamment dans les zones reculées. Celles-ci n’ont nullement besoin du thermique, car il y aura toujours un problème de gasoil, tandis que le solaire serait tous les jours en marche. Enfin, en cas de panne, il y aura toujours la possibilité de mettre en place un groupe avec une disponibilité d’eau.
Avez-vous observé dans votre pays des pratiques innovantes et remarquables pour améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement?
Par rapport à l’eau potable, la Mauritanie a bien répondu au contexte local, malgré certaines localités très enclavées.
La grande révolution, c’est l’énergie solaire qui fait des exploits et qui est une très grande satisfaction pour le pays, puisqu’on limite un peu les groupes électrogènes polluants et extrêmement coûteux avec une atténuation des carbones.
Je recommande le solaire, surtout pour les pays du Sahel, il faut absolument valoriser le potentiel du soleil disponible dans les régions qui en regorgent abondamment.
Pour ce qui est de l’assainissement: utiliser l’approche ATPC (assainissement total pilotée par les communautés) permet d’obtenir des résultats importants au niveau des zones rurales.
Par exemple, des localités entières n’ont pas encore de latrines. Or, se soulager à l’air libre est extrêmement grave et est synonyme de pollution et de maladies. Cette approche ATPC débute par un changement de comportement et passe par une sensibilisation sur les inconvénients et risques dû au manque d’assainissement et d’hygiène.
Une des solutions est donc la construction de latrines, afin d’empêcher la prolifération de bactéries. L’enjeu est d’obtenir des subventions, notamment pour assurer la formation de maçons capables de construire en bonne et due forme des latrines, et pour des activités de sensibilisation (ceci fonctionne très bien parce que les ménages se l’approprient au final et développent eux-mêmes des latrines).Pour prendre exemple, la petite localité d’Efdal est dépourvue de toute défécation à l’air libre.
Propos recueillis par Raissa Chaitou. Harmonisation rédactionnelle: Nina Perruchet
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