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La police mauritanienne renforce son action pour mieux lutter contre les violences basées sur le genre

Confrontée en première ligne au fléau des violences basées sur le genre, la police mauritanienne a entrepris un vaste chantier: renforcer les compétences de son personnel et l’outiller, afin d’offrir une meilleure prise en charge des cas. De nombreuses barrières empêchent en effet les victimes de franchir la porte du commissariat de police pour obtenir la réparation de leurs droits.

Reportage au sein d’une Brigade des Mineurs à Nouakchott, où l’équipe a été récemment formée, avec l’appui de la coopération espagnole.

 

Hendou Mint Cheikhna, commissaire de police au sein de la Brigade des Mineurs Ouest de Nouakchott. Photo: Aude Rossignol

 

La violence basée sur le genre était un sujet tabou en Mauritanie. C’est un fléau qui frappe tout le monde », déplore Hendou Mint Cheikhna, commissaire de police au sein de la Brigade des Mineurs Ouest de Nouakchott.

La Mauritanie a voulu combattre ce phénomène en créant en 2005 le premier commissariat des mineurs à Nouakchott, avec un personnel formé et qualifié.

Nous gérons tous les problèmes concernant les mineurs. Parfois le mineur est victime, parfois c’est lui l’agresseur. Mais on sait que le mineur est toujours victime, même s’il est agresseur. »

 

Lever les barrières à la prise en charge des victimes

En Mauritanie, les victimes de violences basées sur le genre (VBG), y inclus les violences sexuelles, rencontrent d’énormes difficultés à recevoir une prise en charge minimale. Les principales barrières sont le manque de connaissance des procédures approuvées par le gouvernement mauritanien, ainsi que le coût élevé pour les familles, en termes de temps et de moyens financiers. Ce coût provient notamment du manque de coordination entre les étapes et les différents acteurs de la prise en charge.

Pour lever ces barrières, la police mauritanienne a entrepris un vaste chantier avec l’appui de la coopération espagnole (AECID): former son personnel et créer des outils, notamment un manuel de procédures conforme aux standards nationaux et internationaux pour le traitement des cas de violences basées sur le genre. Ce manuel destiné aux policiers décrit comment prendre en charge, référencer et gérer les données des cas de VBG. Il offre un cadre cohérent, intégré et confidentiel aux victimes. Cet outil contribue à améliorer la capacité de la police mauritanienne et permet également de sensibiliser les policiers au phénomène des violences basées sur le genre.

 

Accompagnement des victimes de violences basées sur le genre. Photo: Aude Rossignol

 

Accompagnés en Espagne et en Mauritanie par les unités spécialisées de la police espagnole sur le traitement des cas des VBG, Hendou Mint Cheikhna et ses collègues offrent aujourd’hui, au sein de la Brigade des Mineurs Ouest de la police de Nouakchott, une réponse adéquate aux victimes de violences basées sur le genre, et particulièrement de violences sexuelles. Les victimes et leurs familles sont accueillies dès leur arrivée par un ou une relais communautaire, qui les accompagne auprès des différents acteurs intervenants dans la prise en charge: demande d’une réquisition à la police, prise en charge médicale anonyme à l’hôpital, lien avec un centre d’écoute, mise en relation avec un service d’aide juridique, etc.

La formation du personnel de la Brigade des Mineurs a permis de renforcer la collaboration avec les autres partenaires, notamment médicaux. Quand il y a dénonciation d’un cas de VBG, la police peut déclencher le processus de prise en charge par les acteurs concernés. En effet, il faut agir vite pour réduire les risques, en particulier dans le cas des violences sexuelles.

Toute victime qui vient, on l’achemine directement vers l’unité de prise en charge des victimes de l’hôpital Mère-Enfants de Nouakchott qui est spécialisée et qui fournit tous les documents nécessaires à sa protection médicale », explique Hendou Mint Cheikhna.

Cette collaboration entre la Brigade des Mineurs et l’hôpital permet aux victimes d’être prise en charge dans les délais, de manière confidentielle, complète et gratuite.

 

Photo: Aude Rossignol

 

Grâce à leur écoute active, les relais communautaires créent un climat de confiance avec leurs interlocuteurs.

C’était ma vocation d’être un relais communautaire. J’aime aider, surtout si ça concerne les plus petits. Cela me permet de contribuer à la lutte contre les violences faites aux enfants », témoigne Khadi Mint Elkhretani, membre depuis 2010 de l’association AFCF (Associations des Femmes Chef de Famille) et active au sein de la brigade des mineurs de Tevragh Zeina, dans la banlieue de Nouakchott.

Améliorer la prise en charge des violences basées sur le genre est une chose, les prévenir en est une autre. Les commissariats de police de Nouakchott et Nouadhibou ont réalisé des sensibilisations sur les violences basées sur le genre, notamment dans les écoles. Ces campagnes ont eu des effets positifs, en entraînant un niveau d’éveil chez la population. L’image publique de la police en est sortie renforcée en tant qu’acteur de protection des populations.

Les [enfants] avant ne pouvaient pas parler de ce fléau, maintenant ils ont la possibilité de parler, avec leurs parents, de venir porter plainte directement sans passer par d’autres intermédiaires », témoigne la commissaire de police.

 

Accompagnement des victimes de violences basées sur le genre. Photo: Aude Rossignol

 

Lever les tabous pour lutter contre les violences basées sur le genre

Avant, la question des violences sexuelles étaient réglées entre familles. Hendou Mint Cheikhna est fière de constater que les victimes et leurs familles osent aujourd’hui franchir la porte de son commissariat:

En leur donnant ce qu’elles cherchent, en leur donnant confiance, en cherchant les agresseurs, en les acheminant vers la justice, [les victimes] sont tranquilles, elles sont en sécurité, elles savent qu’il y a des gens à leur écoute qui les accompagnent. »

Selon elle, l’augmentation du nombre de victimes dans les registres de la police rend en réalité visible ce qui était tabou: les gens osent enfin venir dénoncer ce type de situation.

Les résultats de la police mauritanienne sont encourageants. La coopération espagnole a dès lors décidé de prolonger son appui durant deux années supplémentaires, avec comme objectif de l’étendre à d’autres zones de la Mauritanie, connues pour leur absence de mécanismes au sein des commissariats de police pour traiter les cas de violences basées sur le genre.

 

Hendou Mint Cheikhna, commissaire de police au sein de la Brigade des Mineurs Ouest de Nouakchott. Photo: Aude Rossignol

 

Hendou Mint Cheikhna est activement impliquée dans le déploiement des outils et connaissances dans les nouvelles régions:

On est en train de créer des bases [de données] pour les villes de l’intérieur. On a commencé la formation du personnel concerné. »

Le traitement et l’analyse des données sont en effet cruciaux pour rendre visible l’ampleur du phénomène des violences basées sur le genre, et surtout les violences sexuelles. La police mauritanienne pourra compter sur l’appui et l’expérience de la police espagnole pour l’analyse des données recueillies. Ceci permettra une meilleure évaluation des risques et une plus grande protection des victimes.

Au cours de cette seconde phase, la coopération espagnole prévoit aussi d’appuyer la création d’un cabinet de presse spécialisé dans les violences basées sur le genre, afin de lever davantage le tabou sur les violences.

 

L’invisibilité des victimes de violences basées sur le genre

En Mauritanie, près de 70% des femmes sont confrontées à une forme de violence (physique, sexuelle, psychologique, économique). L’ampleur du phénomène des violences sexuelles n’est lui pas bien connu, cette forme de violence étant encore souvent considérée par la population comme une affaire privée. Peu de victimes osent porter plainte, par peur d’être stigmatisée, rejetée, punie, d’autant plus que la loi mauritanienne reste encore floue en ce qui concerne la pénalisation des violences basées sur le genre.

 

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