Sahel résilient : quelles actions pour prévenir les conflits?
Les enjeux de la prévention des conflits au Sahel étaient ce 9 avril 2021 au centre d’une réunion de haut niveau organisée par la Banque mondiale dans le cadre de ses rencontres de printemps. Lors de cette rencontre virtuelle qui a réuni les Ministres chargés de la planification et des finances du G5 Sahel et des membres de l’Alliance Sahel, plusieurs recommandations ont été formulées pour contribuer à la paix et à la stabilité au Sahel.
La région du G5 Sahel fait régulièrement parler d’elle à travers drames sécuritaires et humanitaires, reflets de multiples crises qui secouent la région. Pourtant, le Sahel est aussi un terreau d’espoir et révèle d’énormes potentiels liés au ressources humaines, naturelles et culturelles abondantes. Le Sahel connait des dynamiques positives depuis 2 décennies avec des progrès évidents sur le front du développement humain (progression IDH 3 fois supérieure au reste du monde depuis 1990, espérance de vie passée de 49 à 61 ans), une croissance économique parmi les plus élevées d’Afrique (4,9%/an depuis 2010), des ressources abondantes et une population jeune (en 2050, 1 personne sur 5 aura entre 15 et 24 ans au Sahel).
Selon Rémy Rioux, Directeur Général de l’AFD, « Il est nécessaire de tenir un discours plus positif sur le Sahel. Nous essayons d’avoir au sein de l’Alliance une approche complète, objective du Sahel qui inclus ces éléments et qui inclus la prévention. Je salue le travail d’Ibrahim Thiaw (UNCCD) pour changer le narratif sur la région en mobilisant des acteurs sahéliens qui ont des initiatives porteuses. Ce type de dynamique vient éclairer ce que nous faisons et rééquilibrer l’effort de sécurité et celui du développement. »
Travailler sur la résilience du Sahel nous invite à élargir notre regard, de nous déporter des seules zones en crise, et de valoriser les atouts de la région tout en agissant sur ses faiblesses ! S’appuyer sur les atouts pour mieux agir sur les faiblesses : c’est tout l’enjeu d’une approche globale incluant la prévention.
Restaurer la confiance
La résilience va de pair avec l’accès de la population aux services de base, comme les infrastructures de santé, la fourniture d’eau potable… Si les États ne sont pas en mesure de fournir ces services, les citoyens perdent confiance dans les institutions étatiques. Et cela en fait un terrain fertile pour les conflits, l’absence de services de base devient une simple question de survie. Il est essentiel de soutenir les autorités locales responsables dans la fourniture des services de base, mais également pour qu’elles impliquent la population locale dans les décisions politiques, et qu’elles s’attaquent aux conflits potentiels avant qu’ils ne s’aggravent.
Issa Doubragne, Ministre tchadien de l’Economie et de la Planification du Développement, président du conseil des ministres du G5, a mentionné lors de la réunion que « Nous sommes sans cesse rappelés à l’ordre par les questions de sécurité qui déstabilisent nos stratégies de développement. J’invite les pays du G5 à s’aligner sur les résolutions des chefs d’Etats lors du sommet de N’Djamena, à investir massivement dans la prévention plutôt que dans les urgences. Et j’insiste sur emploi des jeunes qui est essentiel. »
Accroître l’efficacité de l’aide dans les zones vulnérables
Selon Mme Soukeyna Kane, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, « Au Sahel, une personne sur deux vit dans les zones de prévention, les zones à risque d’extension de la violence. La prévention est une œuvre collective : il est primordial de poursuivre une discussion étroite entre acteurs de la réconciliation, du développement, de la sécurité et les humanitaires« .
Les actions de l´Alliance dans le domaine de la prévention s´inscrivent dans l´action en zones vulnérables notamment à travers l´Approche Territoriale Intégrée (ATI), conformément aux principes d’actions prescrits par le Cadre d´Actions Prioritaires du G5 Sahel. L’ATI a permis de cerner des zones de crises et de prévention et d’orienter les efforts selon les enjeux de chaque zone. Il s’agit de répondre aux défis multidimensionnels, et accroître l’efficacité de l’aide dans les zones vulnérables. Dix zones prioritaires ont été ciblées par les membres de l’Alliance, avec une double attention portée sur les zones en confit et les zones de prévention.
Le choix des zones prioritaires s’est appuyé notamment sur les diagnostics de l’étude RRA (Risk and Resilience Assessment), piloté par la Banque Mondiale et co-financé par l’AFD. Cette recherche vise à repenser la contribution du développement à la paix et à la prévention des conflits violents au Sahel. Elle a notamment permis de cerner précisément les enjeux et besoins des zones en prévention. Dans ce cadre, des outils d’aide à la décision pour les interventions de développement ont été créés. Il s’agit de la base de données « approche territoriale intégrée » qui répertorie les activités des membres de l’Alliance et des données contextuelles. En parallèle, des analyses croisées et des outils cartographiques sont produits pour aider à la planification des activités.
La place centrale des femmes et des jeunes
Lors des échanges, plusieurs intervenants ont interpellé l’assemblée digitale sur l’importance de concentrer les priorités sur les jeunes (éducation, emplois), les femmes, la lutte contre le changement climatique, et la place déterminante du secteur privé sahélien dans l’avenir de la région.
Selon Mme Ángeles Moreno Bau, Secrétaire d’Etat Espagnole en charge de la Coopération internationale et représentant la présidence de l’Alliance Sahel, « Le développement du pays du G5 ne serait pas possible si les femmes ne participent pleinement dans la vie politique, économique et social. La promotion de l’égalité des genres et la défense de droits des femmes, notamment à travers l’implémentation de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité reste une priorité au Sahel et elle est crucial dans tous les aspects de la prévention. La jeunesse est au centre de nos actions : On ne peut parler de prévention sans adresser les demandes de la jeunesse. »
Au terme de la réunion sur la résilience au Sahel, M. Ousmane Diagana, Vice-Président de la Banque Mondiale pour la région Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest, a clôturé les échanges en ces mots « Nous devons travailler dans la durée et avec optimisme, chaque pas accompli ensemble nous amènera vers le progrès au Sahel. »