L’égalité du genre et l’autonomisation des femmes: une opportunité unique pour le Sahel
La journée internationale de la femme offre chaque année l’occasion de faire l’état des lieux relativement aux droits de la femme. C’est également l’opportunité de reconnaître la persistance d’inégalités entre les hommes et les femmes, mais aussi de sensibiliser à la nécessité d’éliminer les barrières qui empêchent les femmes de participer et bénéficier aux efforts et paix et développement durable. L’Alliance Sahel s’est engagée à systématiser l’intégration du genre dans ses opérations à travers la prise en compte des défis spécifiques des femmes du Sahel. Les partenaires au développement de la zone sahel comprennent bien que l’égalité du genre et l’autonomisation des femmes est une opportunité unique pour accélérer la transition vers la stabilité et la croissance inclusive des pays.
Enjeux et problématique du genre dans le Sahel
En dépit de leurs énormes potentialités, les pays du G5 Sahel font face à des défis socio-économiques qui pourraient être valablement adressés si les femmes et les hommes avaient accès aux mêmes opportunités. Malheureusement, les indicateurs de genre pour la région restent très faibles, révélant la présence d’inégalités profondes entre les hommes et les femmes. L’indice de l’égalité du genre en Afrique de la Banque africaine de développement indique que l’écart dans la région du Sahel reste le plus marqué – avec une moyenne de 31,9 %, ce qui est inférieur à la moyenne continentale de 48,4%. Cela donne un écart global de 68,1 % entre les sexes dans les trois dimensions mesurées (économique, social et représentation).
Sur le chemin de l’autonomisation économique, les femmes sont freinées par des traditions discriminatoire et des stéréotypes de genre. Ainsi, alors qu’elles fournissent 80% de la main d’œuvre agricole au Sahel et jouent un rôle incontournable dans la nutrition des ménages, elles accèdent moins que les hommes aux facteurs de production (terre, intrants, équipements, outils digitaux, formations, informations, crédit…).
Le taux de mortalité maternelle, par ailleurs, oscille entre 371,0 et 856,0 décès pour 100.000 naissances vivantes, dû à la forte prévalence des mariages précoces doublé du faible accès aux soins de santé maternelle et reproductive lorsque les femmes ont besoin et veulent utiliser ces services. Au Niger, par exemple, environ 76% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les mutilations génitales féminines restent, par ailleurs, récurrentes dans la région avec des prévalences allant jusqu’à 9 femmes excisées sur 10.
En outre, les indicateurs de genre relativement à l’éducation, sont parmi les pires au monde. Au cours de sa vie, une femme tchadienne recevra une éducation équivalente à seulement 2,4 ans d’éducation de qualité contre 3 ans pour un homme. Cette inégalité, conjuguée à une croissance démographique rapide accentuera les écarts hommes-femmes quant à l’accès aux opportunités de développement du capital humain, notamment, l’éducation. Ainsi, selon les estimations actuelles, d’ici 2030, près d’une femme sur cinq sans éducation en Afrique, sera issue au G5 Sahel, ce qui passera à plus d’une femme sur 4 d’ici 2050.
Dans un contexte sécuritaire marqué par l’extrémisme violence et les conflits armés, les femmes et les filles subissent le double effet du contexte sécuritaire instable et des discriminations sociales. Pourtant, elles sont écartées du processus de paix et de sécurité au sahel.
Opportunité du genre au Sahel
Les femmes sont incontestablement une force vive, notamment dans les pays du Sahel où elles sont au cœur de la sécurité alimentaire et de la résilience des communautés. Les crises économiques, sécuritaires, climatique et structurelles ont souvent poussé les femmes à s’engager dans l’économie informelle (par exemple, production agro-pastorale, transformation des produits agricoles et d’élevage, petit commerce.,.). Que ce soit dans les zones de conflit, les camps de réfugiés ou pendant la réinstallation, les femmes sont au cœur de la résilience familiale et contribuent à réduire leur vulnérabilité aux chocs. Leur rôle essentiel s’est renforcé en raison de la crise sanitaire, avec un accroissement de la charge de travail non rémunéré et un accès réduit aux sources de revenus (en raison des restrictions).
L’implication des État sahéliens à travers le respect de leurs engagements internationaux en terme de genre et le renforcement genre sensible des politiques et cadres juridiques, sera soutenu par l’Alliance Sahel. La volonté politique claire de reconstruire une société plus inclusive et résiliente post-COVID 19 ainsi que la mobilisation internationale, notamment à travers l’Alliance Sahel, présentent des opportunités concrètes pour promouvoir un rôle plus proéminent des femmes dans les projets de développement et les efforts de stabilisation. Ainsi que le reconnaît, Mme Nana Aïcha Cissé, Coordinatrice Régionale de la Plateforme des femmes du G5 Sahel, « l’autonomisation économique de la femme est sans conteste le passage obligé pour résoudre les questions liées à la sécurité et au développement au Sahel ».
Une position soutenue par l’Alliance Sahel à travers l’intervention de Mme Cristina DIAZ, Directrice de la Coopération avec l’Afrique et l’Asie à l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID), lors de la célébration du 20eme anniversaire de la Résolution 1325 : « la participation effective des femmes à la construction et à la consolidation de la paix et la sécurité, est non seulement une question de justice et de droits de l’homme mais aussi question d’efficacité puisque la participation des femmes à tous les niveaux est cruciale pour la construction et consolidation des processus de paix ».
Le Genre dans les projets de l’Alliance Sahel
L’Alliance Sahel finance diverses opérations en faveur de l’égalité homme/femme et qui se présentent, notamment, comme suit:
- Au Burkina Faso, le projet « Autonomisation, accès à la santé sexuelle et reproductive et meilleure implication des femmes et jeunes vulnérables dans la protection de l’environnement et la prévention et la gestion des conflits », financé par le Luxembourg à hauteur de 5 millions d’Euros, promeut l’autonomisation des femmes et des adolescent(e)s vulnérables/marginalisés, le respect de leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, leur implication dans la protection de l’environnement et la prévention et la gestion pacifique des conflits.
- Au Tchad, le Projet d’éducation des filles et d’alphabétisation des femmes (PEFAF), financé par la Banque africaine de développement à hauteur de huit millions d’unités de compte soit 11,26 millions de dollars américains, contribuera à améliorer l’accès à l’éducation secondaire de qualité et dans un environnement scolaire sain et sécurisé pour 5.000 filles et à former 2.200 enseignants du corps d’encadrement pédagogique et des responsables administratifs. Il permettra de dispenser des programmes d’alphabétisation à plus de 7.500 femmes de deux provinces (Hadjer Lamis, Ouaddaï) et de N’Djaména, et de sensibiliser les populations de la zone du projet sur l’importance de la scolarisation des filles afin de réduire les mariages et grossesses précoces ainsi que les violences basées sur le genre.
- En Mauritanie, le projet « Renforcement des capacités de la police mauritanienne en matière de traitement des violences basées sur le genre (VBG)« , financé par l’agence de coopération espagnole (AECID), intervient au niveau des forces de police (notamment la brigade des mineurs) pour sensibiliser aux VBG (sexuelles en particulier) et en améliorer les procédures de traitement. Le projet a permis de renforcer les capacités de la police à apporter une réponse adéquate aux victimes et à améliorer la collaboration institutionnelle avec les services de santé pour leur prise en charge médicale. Un plan de prévention des VBG, avec l’implication des acteurs clefs pour la protection des droits (autorités locales, personnels de justice et de police, société civile) a été également élaboré, ainsi qu’un plan de communication pour renforcer la déstigmatisation sociale des victimes.
- Au Tchad, les 3 phases du projet « Améliorer les chances de survie et de développement des enfants » financés par la coopération allemande à hauteur de 33 millions d’euros contribuent à réduire la mortalité maternelle et infantile en améliorant la qualité des services de santé et en sensibilisant les femmes enceintes et allaitantes à la nécessité d’avoir recours à ces derniers.
- Au Niger et au Tchad, le projet « Redressement Economique et Social Inclusif du Lac Tchad » (co-financé à hauteur de 36 millions d’euros par l’Agence française de développement et l’Union Européenne, avec un appui de 500 k€ du Royaume-Uni dédié au genre), qui vise notamment à soutenir une économie locale durable et à renforcer la cohésion sociale, prend en compte la dimension genre dans l’ensemble de ses composantes pour répondre aux besoins spécifiques des femmes et des filles.
- Au Mali, au Niger et au Tchad, le projet « Autonomisation économique des femmes vulnérables », financé par le Banque africaine de développement vise à améliorer l’accès des femmes et des jeunes femmes aux ressources économiques et à renforcer la résilience économique des ménages dans les zones exposées à la violence. Le projet finance des activités génératrices de revenus (touchant l’agriculture, l’élevage, le commerce et l’artisanat), le renforcement de capacités entrepreneuriales des femmes et du dialogue politique pour un environnement favorable à la réduction des disparités entre les genres dans l’accès aux ressources économiques.
- La thématique transversale « genre » au sein de l’Alliance Sahel
- Investir dans un avenir meilleur pour les filles
- Bilan de 3 ans d’action de l’Alliance Sahel
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